La bédéiste française Julie Michelin et le duo formé par les Américains Jonathan Hickman et Mike Huddleston se servent de leurs récits d’anticipation comme des rampes de lancement expérimentales.
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Soudain, des êtres humains, des animaux et même des planètes se mettent à disparaître. Face à cette menace de dématérialisation totale, un scientifique met sur pied une expédition spatiale pour récupérer les molécules les plus stables du système scolaire.
Malgré son point de départ dramatique, Eksploracja n’a pas l’occasion d’être anxiogène. Au contraire, les pages à l’aquarelle de Julie Michelin provoquent un ravissement immédiat. C’est le cœur joyeux, mais prêt à frémir, que l’on suit les aventures de deux sœurs attachantes, Line et Marlène, parties sauver la galaxie.
Trait vif et couleurs subtiles
Pour sa première bande dessinée au long cours, l’artiste française ne néglige pas son intrigue, cohérente, ni la dramaturgie – qui a volé l’Arbea Nauticeum, une des matières organiques miracles ? –, mais elle paraît avant tout déterminée à explorer graphiquement son imaginaire.
Son trait vif et ses couleurs subtiles s’épanouissent ainsi dans la représentation d’une végétation luxuriante ou de populations extraterrestres. Parée d’un message positif, Eksploracja nous transporte telle une fusée de papier.
Bâtisseur de mondes
En comparaison, Decorum a l’âme plus sombre et propose une anticipation plus cérébrale. Le scénariste américain Jonathan Hickman est un impressionnant bâtisseur de mondes sur de vastes échelles temporelles (voir aussi East of West, réédité en parallèle).
A coup d’infographies, de cartes et de documents secs comme des entrées d’encyclopédie, il rend son space opera encore plus solide et dépaysant. Si son récit éclaté, avec une église sectaire, une tueuse à gages et une jeune femme gagnant sa vie comme coursière, possède des zones d’ombre, le dessinateur, son compatriote Mike Huddleston, vient tout éclairer ou, du moins, faire passer les questions au second plan.
Se revendiquant autant de Mœbius que de Katsuhiro Otomo, il réalise un tour de force auquel la publication en grand format – une initiative de l’édition française – rend justice. Peintures numériques cosmiques, aquarelles, pages en noir et blanc griffées… ses images laissent bouche bée et rendent l’histoire plus grandiose.
Eksploracja de Julie Michelin (L’Employé du moi), 184 p., 25€
Decorum t.1 de Jonathan Hickman et Mike Huddleston (Urban Comics), traduction de l’anglais (Etats-Unis) par Maxime Le Dain, 160 p., 21€
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