Une fille morte et un gourou manipulateur : inspiré de faits réels, le nouveau roman de l’Américaine Laura Kasischke, “Eden Springs”, nous plonge dans une secte du début du XXe siècle. Asphyxiant.
Le nouveau et dixième roman de la grande Laura Kasischke s’inspire d’une histoire vraie : celle de la secte fondée en 1903 dans le Michigan (où l’auteure a grandi et vit aujourd’hui) par un certain Benjamin Purnell, sorte de Charles Manson avant l’heure, gourou illuminé usant de son charisme pour séduire les femmes.
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Sa “Maison de David” (House of David) prospère grâce à la vente et l’exportation de fruits et légumes, puis à la création d’un parc d’attractions, Eden Springs – un éden du XXe siècle, à l’aube de la nouvelle société des loisirs qui ne va pas tarder à se créer à mesure que l’industrie se développe.
Mais le propos de Kasischke est moins sociologique que spirituel : dès qu’il y a paradis, il y a chute. Quand le roman s’ouvre, le cadavre d’une très jeune fille est découvert à la place de ce qui aurait dû être celui d’une vieille femme.
Dans la vie quotidienne des femmes d’une secte
Qui l’a tuée ? Kasischke nous plonge dans la vie quotidienne des femmes de la secte, invente leurs monologues intérieurs, restitue toutes les étapes de leur sujétion consentante, le désir fou qui les anime pour cet homme à l’ego ravageur, et tout ce qu’elles vont supporter, jusqu’à l’humiliation de trop et la tragédie.
Très vite, ce qui n’aurait pu être qu’un roman noir vrille vers autre chose. Au fond, le suspense, Kasischke s’en fout. Ce qui la passionne, une fois de plus, c’est l’atmosphère de serre étouffante d’un gynécée, où va pouvoir s’épanouir son écriture métaphorique, à la noirceur gothique.
Un court texte révèle peut-être la matrice de toute son œuvre
“Le revoilà à flairer l’odeur d’Elsie Hoover jusqu’à sa chambre à l’étage. Flairant cette pâle chevelure rousse qui s’étalait autour d’elle, embaumait l’air. C’était une toute petite jeune fille de 16 ans. Pareille à la rose chétive sur un buisson de roses. Plus jolie, mais maladive.”
Il y avait pourtant des hommes dans la secte de la Maison de David, mais l’auteure de A Suspicious River ne s’y intéresse pas vraiment. Quant à la mort de la fille du début, on finit par l’oublier. Dommage. Toujours envoûtant, même si moins abouti que ses livres précédents, ce court texte révèle peut-être la matrice de toute l’œuvre. Une histoire horrifique racontée par sa famille alors qu’elle était enfant, et qui lui donnera, un jour, envie d’écrire.
Eden Springs (Page à page), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy, postface de Lola Lafon, 170 p., 18 €
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