Dans deux de ses récents films, Olivier Assayas aimait filmer l’invisible, les présences fantômes (Sils Maria), voire les poltergeist (Personal Shopper). A tel point qu’on se demande si ce n’est pas, au fond, ce qui l’a attiré dans l’édition et les éditeurs, sujets de Doubles vies : des êtres condamnés à devenir des spectres, tout un milieu en voie de dématérialisation (en cause, la révolution numérique).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Tout le film tourne autour de ces questions : d’un côté l’amour de la littérature et du papier, de l’autre le numérique et le marché (les grands groupes et le capitalisme, incarné par Pascal Greggory). Doubles vies commence quand un éditeur parisien (Guillaume Canet) invite l’un de ses auteurs (Vincent Macaigne) pour lui dire qu’il refuse son manuscrit. Aucun éditeur n’emmènerait un auteur déjeuner au Petit Saint Benoit (sympathique cantine
du VIe, mais peu prisée par le milieu), pas plus qu’il ne refuserait son livre de manière aussi abrupte et évasive.
A part ces quelques détails, Assayas a vu juste, jusque dans les magnifiques appartements (ceux des éditeurs et de leurs amis, qui pourtant passent du temps à se plaindre), alors que l’écrivain rentre le soir dans un modeste deux-pièces du XXe. Le cinéaste réussit un tel sans-faute dans la peinture de ce milieu et de ses inquiétudes, que cela en devient terrifiant.
Car il montre ce petit monde au bord de devenir aussi désuet que les cocottes de Proust. Encore que l’édition n’est pas le secteur le plus atteint –on aurait adoré qu’Olivier Assayas fasse un film sur celui de la presse écrite. Une tragi-comédie.
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}