Dans « Divine Comédie », l’écrivaine Gaël Tchakaloff sert un récit-enquête de la campagne présidentielle. Si le style, excessif et particulier, peut surprendre, on s’y plonge avec délectation.
« Discuter avec un homme politique ou le suivre pas à pas dans les déraillements d’une campagne, c’est aussi différent que dîner avec un amoureux ou le voir jouir dans vos bras. » Ce bref incipit de Divine Comédie résumé à merveille ce livre récit-enquête de Gaël Tchakaloff, après le très réussi Lapins et merveilles où l’écrivaine – qui n’a pas sa carte de presse précise-t-elle – racontait ses « 18 mois fermes » aux côtés d’Alain Juppé.
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Cette fois, Tchakaloff s’attaque à la campagne présidentielle. Elle applique la recette de son précédent livre à 12 candidats au poste suprême : OPA sur les boîtes vocales des attachées de presse, petites combines pour éviter de faire la queue, harcèlement dans les TGV… Entre août 2016 et Mars 2017, elle a donc suivi Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Manuel Valls, Bruno Le Maire, Alain Juppé, François Fillon, François Hollande, Nicolas Sarkozy et Benoit Hamon. SI le succès n’a pas toujours été au rendez-vous, chaque chapitre, court et rythmé, se vit plus qu’il ne se lit, grâce au talent de l’auteure pour exprimer les sentiments des candidats – et les siens – et décrire les situations.
Macron comparé à Mitterrand
Dans Lapins et merveilles, Tchakaloff avait appris à aimer Alain Juppé, un amour platonique, irréel et indescriptible. Le défaite lors de la primaire de son protégé la pousse dans les bras d’un homme qui pourrait être son fils, Emmanuel Macron qu’elle compare à François Mitterrand :
« Chez lui le programme ne constitue pas l’enjeu. Il n’est pas encore prêt, il sait que chaque proposition l’expose aux critiques, il a opté pour une autre cartographie du verbe. Celle qui s’adresse à la partie arrière du cerveau, au supplément d’âme des Français que les politiques ont délaissé depuis François Mitterrand. La transcendance et la poésie plutôt que l’égrenage des mesures. »
Mais le courant ne passe pas toujours avec tout le monde. En témoigne ce rapport foudroyant sous tous les aspects vis-à-vis de Jean-Luc Mélenchon. En quatorze mots, le leader de la France insoumise la ramène à sa place et la fait littéralement tomber en larmes. Tchakaloff, lors d’un déplacement du candidat avait eu l’outrecuidance de parler aux côtés de lui et d’expliquer aux badauds qu’elle était la stagiaire de Juliette, l’attachée de presse de Mélenchon : « La stagiaire de Juliette, elle ramène moins sa science que vous, alors bouclez-là ! », reçut-elle comme cinglante réponse.
Les confidences de Marine Le Pen
Mais l’ancien sénateur de l’Essonne n’est pas rancunier et devient au fil du livre l’un des acteurs principaux du récit au style parfois déconcertant – comme lorsque Bruno Le Maire supplie l’auteure de lui faire découvrir la boîte de nuit Le Montana un samedi soir, très tard – aux cotés d’Emmanuel Macron et de… Marine Le Pen. Dans Divine Comédie, la présidente du FN accepte cette fois de se livrer à plusieurs reprises. Notamment lors d’un dîner où la candidate frontiste se confie sur ses parents : « J’aime mes deux parents. Les deux. Je trouve que ce sont des êtres exceptionnels, même s’ils sont originaux tous les deux… »
Elle n’aura pas la même chance avec Benoît Hamon, Nicolas Sarkozy, François Fillon qui fermeront leur porte ou encore avec Manuel Valls. Lors d’un déplacement de l’ancien Premier ministre, Tchakaloff se fit alors séquestrer par le service de sécurité pour ne pas avoir été accréditée et avoir forcé certains barrages. Scène témoin d’un excès parfois de l’auteure difficile à contenir, mais tout à fait à l’image de cette présidentielle.
Divine Comédie de Gaël Tchakaloff, éd Flammarion, en librairie le 29 mars.
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