La romancière de “Purge”, adresse directement les violences sexuelles en temps de guerre, et la misogynie de la Russie de Poutine, dans un essai puissant, salutaire.
Deux fois dans le même fleuve s’ouvre sur un silence : celui de la grand-tante de l’autrice. Au début de la seconde occupation soviétique de l’Estonie, cette dernière subit un interrogatoire qui lui vole tous ses mots. Elle rentre chez elle muette. Ou presque – la seule phrase qu’elle peut encore prononcer c’est “Oui, arrêtez”. Personne n’expliquera jamais à la jeune Sofi ce que sa grand-tante a subi, mais elle comprendra instinctivement qu’il s’agit de violences sexuelles.
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Et le silence de cette aïeule n’est pas le seul qui frappe Sofi Oksanen en grandissant. Elle entend très peu parler de l’histoire de son pays d’origine, l’Estonie, qui, comme beaucoup de pays de l’ex-bloc de l’Est n’a pas été “intégré à la mémoire occidentale de notre continent”.
Discours donné à l’Académie suédoise
Dans son essai, écrit peu de temps après son discours donné à l’Académie suédoise sur “la guerre de Poutine contre les femmes”, Sofi Oksanen analyse toutes les manières dont l’impérialisme de la Russie et les violences sexuelles perpétrées par l’armée russe (en Estonie comme en Ukraine) sont liés et répètent systématiquement les mêmes schémas sous le regard trop indifférent de l’Europe de l’Ouest. Elle déroule aussi une réflexion très claire et documentée sur l’histoire de la pensée misogyne en Russie qui culmine avec le mouvement #MeToo, pendant lequel Weinstein est présenté “comme un héros” et les filles “comme des machines à sexe”.
Avec un ton direct et incisif, Oksanen brise le silence dans lequel sont enfermées les victimes, celles qui n’ont “pas de rues portant leur nom”. Ce livre est une façon de leur rendre justice en leur rendant leurs voix.
Deux fois dans le même fleuve de Sofi Oksanen (Stock), traduit du finnois par Sébastien Cagnoli, 302p., 21,90€. En librairie.
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