La mégapole américaine, sinistrée par la crise de 2008, est l’objet de trois livres de Lori Roy, Thomas B. Reverdy et Alexandre Friederich qui, entre exploration et polar, dessinent les contours de la catastrophe.
Detroit est cette ville mythique des Etats-Unis qui donna, outre son excellente scène musicale, naissance à la culture de la bagnole, au taylorisme et au capitalisme version seconde révolution industrielle. “C’est ici que Ford perfectionna les chaînes d’assemblage, expliquait Peter Mettler dans son documentaire The End of Time. Il versait un salaire horaire élevé afin que les ouvriers s’achètent les voitures qu’ils construisaient. Et le temps devint de l’argent.”
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La citation se trouve en exergue du nouvel essai d’exploration urbaine d’Alexandre Friederich, Fordetroit. L’auteur d’Easyjet y parcourt les bas-fonds de la ville pour essayer de comprendre comment la machine a pu s’enrayer et conduire à la catastrophe.
Au cœur de la désolation, des raisons d’espérer
La crise de 2008 a mis Detroit à terre, transformant ses quartiers huppés en territoires sinistrés. Les maisons y sont systématiquement brûlées. “A Detroit, les incendies sont constants. Pas une minute ne se passe sans que les flammes ne ravagent une partie de la ville.”
Au cœur de la désolation, l’auteur trouve toutefois des raisons d’espérer. Des initiatives inédites se développent ici et là, les habitants recréant à partir du rien ce qu’ils n’osaient entreprendre quand ils étaient esclaves de la chaîne de travail tayloriste. Entre débrouille, autogestion et do it yourself, c’est un nouveau monde qui naît de ces cendres.
Lori Roy revient aux racines du mal, dans les années 50
Thomas B. Reverdy est moins optimiste. Son roman Il était une ville s’inscrit dans la grande tradition du polar urbain. “Nous sommes à Detroit en 2008 et une blague circule : que le dernier qui parte éteigne la lumière.” Eugène, un jeune ingénieur français, débarque dans le marasme économique. Face au désespoir, seule la poésie console les âmes en peine.
Pour comprendre véritablement Detroit, pourtant, il faut revenir aux racines du mal : les années 50, qui menèrent aux émeutes de 1967 et à la crise des années 70. C’est ce que propose Lori Roy dans De si parfaites épouses. 1958, un été, dans le quartier ouvrier blanc d’Alder Avenue. Les épouses wasp s’ennuient chez elles, tandis que leurs maris vont voir les putes noires au bordel d’à côté en sortant de l’usine. Quand celles-ci commencent à fermer, ce petit monde sclérosé s’effondre peu à peu. Face à la crise, le racisme devient le meilleur exutoire, comme un oiseau de mauvais augure qui préfigure l’avenir désastreux de la ville.
Fordetroit d’Alexandre Friederich (Editions Allia), 128 pages, 6,50 €
Lire un extrait
Il était une ville de Thomas B. Reverdy (Flammarion), 270 pages, 19 €
De si parfaites épouses de Lori Roy, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Valérie Bourgeois (Editions du Masque), 350 pages,20 €
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