L’écrivaine revient avec un texte fragmenté qui touche au plus profond du sentiment amoureux.
Critique d’art, essayiste, poétesse, auteure du magnifique Les Argonautes, Maggie Nelson continue dans son nouveau livre à brouiller les lignes et à mélanger les genres, poussant un peu plus loin le champ des possibles littéraire. Bleuets est une méditation intime, poétique, obsessionnelle autour de la couleur bleue. Un petit livre de cent dix pages à peine, constitué de deux cent quarante fragments, qui sont autant de variations sur le deuil, le sentiment amoureux, la mélancolie, Yves Klein, et tant d’autres choses associées à cette couleur. C’est aussi une déclaration d’amour, la narratrice faisant souvent allusion à celui qui l’obsède, ce “prince du bleu” avec lequel elle n’est plus.
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”Et si la braguette du prince du bleu était le divin ?”
Le livre ressemble ainsi aux Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, qui s’appuie autant sur des lectures d’œuvres d’art (musique, peinture, littérature) que sur l’expérience vécue et des investigations philosophiques. Mais un Roland Barthes version XXIe siècle ou plutôt version Maggie Nelson, avec ce style direct, cette écriture spontanée, ces fulgurances qui la caractérisent. Si, comme le sémiologue français, elle cite plusieurs fois Goethe, lui aussi un obsédé du bleu, c’est pour mieux le dépasser. “Ça ne m’intéresse pas la nostalgie du monde que j’habite déjà”, écrit-elle.
”Je ne veux pas non plus devenir nostalgique d’un objet bleu ni, Dieu m’en préserve, de ‘ce qui est bleu’. Je désire surtout que tu cesses de me manquer.” A propos de Dieu d’ailleurs, sujet inévitable car symbole même de cette couleur, il lui apparaît notamment sous les traits d’un ange qui lui dit dans un rêve : “Tu dois passer plus de temps à réfléchir au divin et moins de temps à imaginer déboutonner la braguette du prince du bleu au Chelsea Hotel. Et si la braguette du prince du bleu était le divin, plaidais-je. Soit, dit l’ange, qui me laissa seule à sangloter, le visage contre les lattes bleues du parquet.”
Bleuets (Editions du Sous-Sol), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy, 106 p., 14,50 €
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