De Londres à New York, l’ascension et la chute d’un groupe de rock des années 1980. Entre humour et romantisme, le huitième roman de Joseph O’Connor se branche sur l’ampli de guitare de Joe Strummer.
A 18 ans, il est maigre comme une seringue, se maquille comme Elizabeth Taylor, hoquette comme Elvis, se déhanche comme un Chippendale et décoche des coups de pied dignes de Bruce Lee. Si l’on ajoute qu’aucune drogue n’est trop exotique pour lui, aucune expérience sexuelle trop périlleuse et aucune robe trop rose – à ses yeux, Morrissey pèche par manque d’ambiguïté –, Fran Mulvey n’a à l’évidence le choix qu’entre deux destins : finir à l’hôpital psychiatrique ou sur la couverture du New Musical Express.
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Dans l’Angleterre du début des années 1980, la seconde hypothèse n’exclut nullement la première ; misfit absolu et rock-star née, le héros du huitième roman de l’Irlandais Joseph O’Connor a l’étoffe des légendes pop.
Un portrait de Sid Vicious tatoué au fond du cœur
En 1992, O’Connor aspergeait de vitriol les mythes fondateurs du punk. Dans Le Dernier des Iroquois, un loser mégalomane, Eddie Virago, errait dans Londres, un portrait de Sid Vicious tatoué au fond du cœur. Un quart de siècle plus tard, le romantisme supplante l’esprit de dérision.
Depuis une banlieue-dortoir de Londres, avant une étape à New York, Maintenant ou jamais (en VO, The Thrill of It All, d’après la chanson de Roxy Music) retrace le parcours de quatre mélomanes, qu’anime une foi commune dans la magie du rock ; bien que deux d’entre eux soient destinés à devenir profs de littérature, ils échangeraient volontiers tout Dickens contre un refrain de Cole Porter, et un tête-à-tête avec Saul Bellow pour un quart d’heure en compagnie de Patti Smith.
Un succès aussi planétaire qu’inattendu
Narrée par le guitariste Robbie, l’ascension des Ships In The Night passe par un rendez-vous (raté) avec John Peel, un enregistrement (foiré) de Top of the Pops et un hiver (glacial) dans un nid à cafards du Lower East Side. Suivent un succès aussi planétaire qu’inattendu, des tournées à répétition, une explosion en plein vol et des destinées antipodiques – tandis que Robbie en est réduit à vendre sa Fender vintage, son jumeau de cœur, Fran, écrit des chansons pour David Bowie.
De grandes chansons, O’Connor – frère aîné de Sinead – en écrit lui aussi. Qu’elle se branche sur l’ampli de Joe Strummer ou caresse les cordes de guitare de Lou Reed, sa prose abolit la frontière entre page blanche et rondelle de vinyle. De quoi nourrir un grand roman rock, à ranger à côté de ceux de Roddy Doyle, Jonathan Coe et Nick Hornby.
Maintenant ou jamais (Phébus), traduit de l’anglais (Irlande) par Carine Chichereau, 386 pages, 23 €
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