L’auteur confronte passé et présent, artistes et écrivain·es connu·es et anonymes, dans un surprenant et très beau recueil de nouvelles.
Depuis plus de vingt ans, le très prolixe Arnaud Cathrine met en scène de jeunes urbain·es indécis·es qui expérimentent l’amour et l’amitié, la fidélité et la trahison, la sexualité et ses ambiguïtés. Dans ce nouveau recueil de nouvelles, il poursuit cette observation des tourments intimes de ses contemporain·es. Comme dans J’entends des regards que vous croyez muets (2019), il excelle à dire en quelques mots les gouffres, les regrets, les espoirs déçus.
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Mais parmi ces nouvelles très actuelles, Cathrine a inséré de courts textes qui se déroulent au début du XXe siècle. Pas de vies anonymes ici mais des fragments de conversations entre des écrivain·es ou des artistes. Annemarie Schwarzenbach discute avec Klaus et Erika Mann, Jacques Rigaut parle avec Pierre Drieu la Rochelle, Jean Cocteau pense à Raymond Radiguet.
Il ne s’agit ni de biopics ni de récits historiques, mais de textes intemporels qui abordent d’une façon nouvelle les thématiques récurrentes de l’auteur
Chaque fois, il est question de trahison, d’emprise, de désillusion. Schwarzenbach veut quitter l’Europe, Rigaut regarde le cynisme de son ancien ami et songe au suicide, Cocteau se désespère d’être aimé. Il ne s’agit ni de biopics ni de récits historiques, mais de textes intemporels qui abordent d’une façon nouvelle les thématiques récurrentes de l’auteur. Et sur ces pages plane une angoisse sourde, l’approche inexorable de la Seconde Guerre mondiale.
Cathrine, qui signait déjà des nouvelles intéressantes en 2015 avec Pas exactement l’amour, a ainsi donné une tonalité particulière à ce recueil, hanté par la mélancolie. Dans le très beau texte final, un romancier vieillissant reçoit un jeune homme, et mesure les années qui les séparent lorsque celui-ci veut l’inscrire sur un site de rencontres. “Marceau n’a pas connu le Minitel, ai-je songé, ni les petites annonces de Libé, ni les rencontres furtives aux Tuileries ou sur les quais de Bercy. Moi si.”
Début de siècles d’Arnaud Cathrine (Gallimard/“Verticales”), 314 p., 20 €. En librairie le 6 janvier.
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