Dans Ce que je ne veux pas savoir et Le Coût de la vie, l’autrice anglaise analyse sa vie, partagée entre idéaux de jeunesse et injonctions faites aux femmes.
Le “je” ne s’est imposé qu’il y a quelques années chez Deborah Levy. L’écrivaine d’origine sud-africaine était jusqu’ici connue pour ses romans sensibles ayant pour héroïnes des femmes perdues, hésitantes (Sous l’eau notamment). Or la voici, à 50 ans passés, qui épouse malgré elle le destin de ses personnages. Elle se retrouve seule, dépassée par les événements, déprimée, à la suite de son divorce et du décès de sa mère.
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Des livres sur deux moments clefs de la vie
Ce que je ne veux pas savoir s’ouvre sur l’angoisse qu’elle ressent sur ces escalators où, systématiquement, elle s’effondre en larmes. Elle s’enfuit à Palma de Majorque dans une pension de montagne isolée, replonge presque par hasard dans ses carnets de notes et redécouvre ainsi celle qu’elle fut à la vingtaine. Cette jeune fille, libre, pleine d’exigence, observe la femme qu’elle est devenue, une de ces mères de famille qui ne vivent plus que pour leurs enfants.
Oscillant entre le “je” et le “nous”, s’appuyant sur des réflexions de Julia Kristeva, Marguerite Duras ou Simone de Beauvoir pour mieux saisir sa propre expérience, l’écrivaine déconstruit ce qu’elle a toujours cru devoir être – mère, épouse, femme. En tant qu’apatride aussi, et il faudra remonter jusqu’au traumatisme de l’enfance, son père, militant de l’ANC, emporté en prison par des soldats, à Johannesburg. Si Ce que je ne veux pas savoir explore le passé, ses refoulés, Le Coût de la vie aborde l’après, cette nouvelle existence qu’elle tente de bâtir. Désespérante comme peut l’être la vie, mais aussi tendre, fantasque, loufoque.
Ces deux premiers tomes (un troisième est à paraître) du grand projet autobiographique de Deborah Levy sont des livres sur deux moments clefs de la vie, l’enfance et la cinquantaine. S’ils évoquent Maggie Nelson, Chris Kraus par leur joyeuse confusion des genres, ils ont la particularité de développer un style très épuré. L’autrice évoque Orwell, son Pourquoi j’écris, qui “offre aux lecteurs la vé́rité froide d’une critique politique complexe. Sa prose n’est pas émotionnelle, et pourtant sa raison d’écrire l’était.” On ne saurait mieux dire.
Ce que je ne veux pas savoir 138 p., 16,50 € et Le Coût de la vie 159 p., 16,50 € (Editions du Sous-Sol), traduits de l’anglais par Céline Leroy
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