Une autobiographie toute en lignes de fuite ou comment se livrer à l’envers de Perec.
Il suffisait d’y penser : ne pas rédiger ses souvenirs mais chercher au contraire à repérer ce dont on ne se souvient pas pour mieux faire son autoportrait, en partant du principe que tout ce qu’on a oublié de sa vie et de ses premières expériences en dit peut-être beaucoup sur soi. Mathieu Lindon l’a fait.
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L’allusion au Je me souviens de Perec est évidente, pourtant le texte s’en éloigne tant Lindon explore sa personnalité et se livre sur les sujets les plus intimes, sa sexualité, son enfance, ses doutes : “Même la première fois sexuelle, en réalité, je ne m’en souviens pas. Je me rappelle dans quel lit, avec qui, dans quelle position. Mais pas ma jouissance.”
Enquête sur lui-même
L’auteur de Ce qu’aimer veut dire (prix Médicis 2011) évite ainsi le risque de transformer son texte en un simple jeu littéraire, et chaque chapitre le conduit à se débusquer un peu plus, jusqu’à mener une sorte d’enquête sur lui-même, désarmante – “Je ne me souviens pas de quand j’ai découvert que le monde n’était pas fait pour moi” – et lucide – “Je ne me souviens pas toujours de m’intéresser aux autres.”
Petit à petit se construit une autobiographie en forme de négatif photographique qui laisse apparaître les petites lâchetés, les désarrois, mais aussi une certaine inadaptation face à un monde où l’affirmation de soi, et non de ses manques, est de règle.
Je ne me souviens pas (P.O.L),160 pages, 14,90 €
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