Dans son nouveau roman, aussi exubérant et politique que ses précédents, Nathalie Quintane épile un ministre et ressuscite une peintre du XVIIIe siècle pour une promenade pleine d’énergie dans un Paris brumeux.
Quand on voit le titre Tout va bien se passer pour un roman de Nathalie Quintane, on sent poindre l’ironie. Pourtant, la voilà qui confirme l’optimisme de son titre dès la première phrase : “Eh bien, vous n’allez peut-être pas me croire, mais on s’en est bien sortis”. Quand on sait qu’elle a volontiers intégré les mouvements Nuit Debout ou les manifestations contre la loi travail, cette pensée magique étonne. Évidemment, la suite ne sera pas si simple.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Dans un monde où la politique “nous bourre le mou”, où tout est comme saturé de sens, Nathalie Quintane sème le trouble et choisi la sortie de route. Sa narratrice commence par nous décrire en détail l’épilation du torse d’un ministre anonyme, qu’elle entrecoupe de digressions caustiques sur le sillon fessier (“qui a bien pu me raconter cette histoire d’épilation de la raie ?”, se demande-t-elle) et d’une longue visite guidée dans le luxe du palais de l’Élysée.
Un dialogue inter-siècles
Comme les personnages du roman, nous voilà pris dans un brouillard épais. Il ne nous reste plus qu’à suivre la narratrice qui nous mène, via Google Maps et avec l’aide de la peintre Lucile Franque (qui a vraiment existé et est née en 1780 et morte en 1803) de rue en rue à Paris. C’est paradoxalement en s’enfonçant dans cette purée de pois et alors que l’on croise la fumée épaisse de feux épars que l’on parvient à entrer dans le roman de Quintane, et à y rester, en grande partie grâce à ce dialogue inter-siècles qui se noue entre la narratrice et Franque, membre d’un mouvement de peintres expulsés de l’atelier de David qui s’installèrent jusqu’en 1803 sur la colline de Chaillot pour vivre en communauté et mettre en pratique leurs idéaux. Quintane nous fait découvrir une histoire de Paris méconnue et oubliée à travers ce groupe que l’on nomme les Barbus et qui “mettent tout en commun, sont pour le partage des terres et végétariens” et essaient de continuer “la Révolution après la Révolution”. Il se dégage de cette partie et de cette amitié entre la narratrice et Lucile une énergie folle. Dans ce Paris contemporain où tout est, comme l’écrit Quintane “pisté, vérifié, contrôlé, filmé”, on semble enfin prêt pour reprendre la révolution.
Alors même que l’on se serait encore baladé pendant des heures, la narratrice et une bande d’insurgé·es pénètrent dans l’enceinte de l’Élysée pour une dernière partie inattendue qui laisse éclater tout le burlesque du texte. On ne révèlera rien de plus, car le roman fonctionne sur la surprise et l’émerveillement des mots et des situations. Juste un peu quand même pour la fin : avec Quintane, il s’agit de gaver le pouvoir (littéralement) de cuisine bulgare et d’épaissir une soupe. Et ce sera normalement juste assez pour vous ouvrir l’appétit.
Édito initialement paru dans la newsletter Livres du 19 octobre. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
{"type":"Banniere-Basse"}