L’auteur d’“Ingrid Caven” se fait fantôme dans un beau roman peuplé d’images qui font toute son œuvre.
Jean-Jacques Schuhl n’habite pas le monde, il le hante. Attention, pas absent pour autant, corps “passif et hagard, mais présent”. De la légèreté, de la fluidité, une façon de ne pas peser, de refuser la lourdeur de toutes les attentes que les êtres ont souvent face à la vie et qui la leur gâchent.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La plupart des titres de ses livres comportent d’ailleurs un élément (quasi) immatériel – Rose poussière, Entrée des fantômes, Obsessions, et aujourd’hui, le gracile Les Apparitions, qui à sa façon les rassemble tous. C’est l’histoire (et on hésite bien sûr à utiliser ce mot avec Schuhl) d’un homme en devenir fantôme, peu à peu rongé par la mort, qui rejoint ses obsessions d’écrivain. Un morphing corps-fiction d’une beauté crépusculaire, souvent drôle aussi.
Ce ne sont pas tant les chères images qui l’ont toujours hanté qui réapparaissent que lui-même
Un jour, Jean-Jacques Schuhl se met à perdre beaucoup de sang, devient aussi pâle et chétif que les héroïnes qui l’ont inspiré. Camion de pompiers, hospitalisation… Là, ce ne sont pas tant les chères images qui l’ont toujours hanté qui réapparaissent – tels les souvenirs qui surgissent quand on frôle la mort – que lui-même, qui se métamorphose en elles toutes.
“La page agit comme un miroir d’encre, on finit par ressembler à ce reflet, peut-être même au point d’avoir une hémorragie interne parce que j’ai trop complaisamment écrit sur un monde morbide et exsangue.” On croise une femme disparue, une femme en taffetas, des coupures de presse, Ingrid Caven à New York, une foule de motifs issus de l’œuvre de Schuhl, et enfin un bloc-notes Oxford orange, sur lequel écrire cet autoportrait en “médium passager”.
Les Apparitions de Jean-Jacques Schuhl (Gallimard), 96 p., 12€. En librairie le 3 février.
{"type":"Banniere-Basse"}