Dans le catalogue 10/18, le choix des Inrocks c’est “Bonjour, Jeeves” de P.G. Wodehouse, un joyaux à découvrir ou à relire d’urgence.
Britannique jusqu’au bout de sa plume, heureusement très prolixe, P.G. Wodehouse inventait notre tandem anglais préféré dès 1909 : les aventures de Bertram Wooster, aristocrate légèrement cinglé, et de son valet, le sage et intelligent Jeeves, allaient devenir cultissimes et se décliner en une longue série de nouvelles et de romans. Bonjour, Jeeves paraît en 1938 (et pour la première fois en France en 1982, chez 10/18), et place comme souvent Jeeves et Wooster au cœur d’un imbroglio burlesque sur fond de manoir à la campagne, avec jeunes filles en fleur, vieilles tantes excentriques, et une désinvolture, une ironie toujours délicieusement British.
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Une comédie complètement barrée
Les fans – et ils sont nombreux – frissonneront de joie à l’évocation de Gussie Fink-Nottle (l’ami qui élève des tritons dans sa chambre), Madeline Bassett (qui ne s’exprime que comme les poésies romantiques les plus niaises et s’apprête à épouser Gussie), son père, Sir Watkyn, un collectionneur d’argenterie, qui vient de rafler, sous le nez de l’oncle de Bertie, un pot à crème en argent du XVIIIe siècle en forme de… vache !
Bertie est envoyé par sa tante Dahlia (à la tête de la revue Le Boudoir de Milady) dans le château des Bassett pour y voler la vache argentée. Comme toujours chez P.G. Wodehouse, l’intrigue est un prétexte pour construire une comédie complètement barrée, un feu d’artifice de quiproquos, en se moquant gentiment, au passage, d’une upper-class un peu limitée intellectuellement, toujours sauvée par l’intelligence de ses « subalternes », dont Jeeves, le butler.
Des dialogues ciselés, élégants, hilarants
Les dialogues de ce Bonjour, Jeeves sont particulièrement ciselés, élégants, hilarants. Peut-être parce que Wodehouse travaillait, au même moment, à l’écriture de pièces (à succès) pour Broadway. Et l’Angleterre n’a jamais été aussi merveilleusement saisie dans toute son essence esthétique, et son sens du wit (de l’esprit). Peut-être parce que l’écrivain n’y vivait plus. Il ne savait pas encore qu’il n’y remettrait plus les pieds, pris dans les filets de la guerre en France, dans sa maison du Touquet, puis interné par les Allemands en 1940, pour qui il devra enregistrer quelques émissions de radio (comiques et apolitiques), ce qu’on ne lui pardonnera pas après-guerre.
Le temps passant, quand les sanctions à son égard se lèveront, il n’aura pas la force d’entreprendre le long voyage, depuis les Etats-Unis où il vit, pour revoir la Grande-Bretagne. Celle-ci restera une utopie, une terre lointaine d’inspiration. Woodehouse sera anobli par la Reine en 1974, un an avant de disparaître. Il laisse des centaines de textes (théâtre, romans, nouvelles). Parmi eux, Bonjour, Jeeves reste l’un de ses joyaux. Réédité aujourd’hui, il est à découvrir ou à relire d’urgence.
PG Wodehouse : Bonjour, Jeeves (10/18) traduction de l’anglais par Josette Raoul-Duval. 310 p.
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