L’année 2010, c’est un peu récent pour un “Print”, mais je n’ai pas pu résister à James Ellroy. A mes yeux, l’auteur du Dahlia noir est découpé dans le même bois que Jim Harrison, Mohamed Ali, Charlie Parker, Martin Scorsese, James Brown, Norman Mailer, Iggy Pop, Al Pacino, Eddie Bunker ou Bruce Springsteen : du […]
L’année 2010, c’est un peu récent pour un « Print », mais je n’ai pas pu résister à James Ellroy. A mes yeux, l’auteur du Dahlia noir est découpé dans le même bois que Jim Harrison, Mohamed Ali, Charlie Parker, Martin Scorsese, James Brown, Norman Mailer, Iggy Pop, Al Pacino, Eddie Bunker ou Bruce Springsteen : du pur concentré d’americana, de la testostérone en barre, du hard-boiled calciné, de la créativité en scope et du showmanship bigger than life.
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En 2010, il passait par Paris pour la sortie d’Underworld USA (également le titre d’un film noir et social de Samuel Fuller, et ce n’est sans doute pas un hasard), dernier volet de son ébouriffante trilogie de l’histoire américaine : soit les années Kennedy-Luther King-Nixon boostées au jus de couilles, au bourbon sans glaçons et aux rails de coke.
Cela dit, le Ellroy, c’est comme le Parisien, mieux vaut le lire que l’avoir en face de soi, c’est moins risqué. Le gars est à peu près aussi commode que l’indique sa tronche de taulard QHS à peine adoucie par des lunettes de fiotte intello. Je l’avais rencontré vingt ans avant et ça ne s’est pas arrangé. Ellroy est toujours autant de droite, arrogant, mal embouché. Mais tant mieux évidemment, ça fait de la bonne copie. Au début de notre entretien, il s’énerve déjà, estimant mes questions trop longues, trop alambiquées, trop chargées de commentaires sur son travail. Alors il m’ordonne : « Posez-moi des questions qui commencent par ‘what’, ‘when’ ou ‘how’ ! » Euh, oui m’sieur. J’essaie, ça va, la conversation reprend, mais je sens bien que mon sourire en coin l’agace prodigieusement.
A un moment, j’aborde le racisme de certains de ses personnages, son talent pour écrire des dialogues qui mixent argot et xénophobie, et boum, ça pète. « Hey ! Vous me coupez la parole, là ! Ne m’interrompez pas, OK ! » Il hurle, et je le sens à deux doigts de stopper l’interview et de m’en coller une. Mais ça repart, dans la coolitude la plus totale. Extraits :
« Je ne veux pas savoir ce qui se passe en France, je m’en tamponne la raie du cul ! »… « Lâchez-moi avec Obama ! »… « Je ne sors pas au cinéma, je n’ai pas internet, pas de portable, pas de télé, je ne lis pas les journaux, je n’aime pas la foule dans les rues. Comment vous le dire ? Rien à branler de tout ça ! J’aime les femmes, la solitude, mon univers de fiction, la musique classique et les chiens. »
Comment dit-on misanthrope en américain ? A la fin de cet entretien tendu, il accepte une photo-souvenir à mes côtés devant l’objectif de Benni Valsson, me prend par l’épaule, me parle courtoisement, sourit. Alors, enfoiré ou excellent comédien ? Difficile de trancher. Grand écrivain et super client pour interview, ça ne fait pas l’ombre d’un doute.
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