L’écrivaine espagnole offre le récit d’une femme d’aujourd’hui perturbée par la mort d’une amie d’adolescence. Un roman curieusement porté par une légèreté joyeuse.
Décidément, le travail de Milena Busquets semble centré sur le deuil. En 2015, la romancière espagnole avait connu un succès immédiat avec Ça aussi, ça passera, son premier roman. Elle y racontait l’été vécu par une jeune femme juste après la disparition de sa mère. Dans la maison de vacances séjournaient amies, amants, enfants, ex-compagnons, et l’autrice avait su décrire avec finesse ce temps suspendu entre tristesse et bonheur de vivre.
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On retrouve dans son livre Gema, une narratrice similaire, quadra qui élève seule deux fils nés de pères différents. Elle tente de concilier son difficile quotidien d’écrivaine et un jeune amant très beau que tout le monde lui envie mais qu’elle trouve envahissant. A l’improviste, un souvenir surgit. Celui d’une lointaine camarade de lycée, Gema, décédée à 15 ans. La narratrice convoque ses amies de toujours pour confronter leur mémoire à la sienne. Qui se souvient encore de la mystérieuse Gema ?
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Une quête au souvenir
Ce roman sur la mort, curieusement porté par une légèreté joyeuse, analyse la nostalgie et la culpabilité qui nous relient au passé. Rien de tragique dans cette enquête intime, mais une émotion délicatement distillée par Busquets quand l’héroïne cherche désespérément dans son quartier d’enfance des traces qui ont disparu. Et, parce que cette narratrice interroge ses amies, tout se double d’un questionnement sur la construction et la fiabilité d’une mémoire collective. On peut alors envisager une lecture politique de ce roman plus riche qu’il n’y paraît, dans une Catalogne tiraillée par les questions identitaires et par le souvenir, toujours prêt à ressurgir, de la période franquiste.
Mais face au passé, Milena Busquets installe le monde moderne. Elle réussit particulièrement sa description d’une vie de femme d’aujourd’hui embarquée dans la tourmente d’une grande métropole européenne. Son héroïne est indépendante sans y penser, absorbée par son travail autant que par ses enfants, et Busquets n’en fait pas une femme exceptionnelle. Elle la place par contre au centre d’un réseau d’amies, colorant son roman d’une belle ode à la sororité.
Gema de Milena Busquets, traduit de l’espagnol par Robert Amutio (Gallimard), 144 pages, 14,50 €
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