La destinée pathétique et drôle d’un misanthrope, brillamment mise en cases par un Daniel Clowes au sommet de son art.
Contrairement à la version originale américaine, l’édition française de Wilson est d’une qualité digne de ce roman graphique, qui constitue un sommet dans l’oeuvre de Daniel Clowes. Découpé en gags d’une planche, Wilson est pourtant une seule et puissante histoire, construite par petites touches percutantes.
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Fidèle à ses thèmes de prédilection (misère quotidienne, inadaptation à la société, solitude…), l’auteur retrace dans ce récit fragmenté mais cohérent le destin de Wilson, un homme qui n’a pas été gâté par l’existence mais qui, il est vrai, ne fait pas grand-chose pour faire tourner sa chance. Misanthrope (son seul compagnon est un chien), pessimiste, antisocial, Wilson est conscient qu’il est en train de rater sa vie et se venge en humiliant gratuitement son maigre entourage.
Balayant d’une planche à l’autre tous les styles de la BD indépendante nord-américaine, de Charles Schultz à Charles Burns, Daniel Clowes dépeint une vie morcelée, morne et sans but. Ce n’est qu’après la mort de son père que Wilson trouve une raison de vivre, quand il part à la recherche de son ex-femme et de sa fille qu’il n’a jamais connue.
Incapable de vrais sentiments, cet homme aigri tombe alors dans le cliché de la normalité en tentant de créer des liens familiaux artificiels, surjouant la complicité avec sa fille mal dans sa peau ou se découvrant de l’intérêt pour son petit-fils. Mais loin de verser dans une morale conventionnelle avec une larmoyante rédemption par la famille, Daniel Clowes, bien plus subversif, laisse son héros s’enfoncer dans ses maladresses, l’incompréhension et l’isolement.
Avec son sens de l’observation, plus retors que jamais, et sa vision ironique de l’humanité, Daniel Clowes sait rendre très drôle son pathétique personnage (et vice versa) grâce à des répliques cinglantes et à son art de la chute. Mais sous l’humour acide, la détresse reste immense.
Wilson (Cornélius), 80 pages, 22 €
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