L’écrivain américain nous plonge encore dans une saga familiale, entre religion et mutatiosn sociétales des années 1960-1970. Une fresque de plus de 700 pages dont on attend déjà la suite.
Une remarque de Jonathan Franzen, au sujet de son nouveau roman, pourrait sembler comique : “Il s’agit de ma première tentative d’écrire un roman familial”, déclarait l’écrivain américain au New Yorker l’année dernière, à propos de Crossroads. Or, quiconque le lit depuis Les Corrections, best-seller et phénomène littéraire il y a vingt ans, sait que la famille est ce qui le passionne depuis toujours – ces familles de la classe moyenne dont les protagonistes se trouvent emberlificoté·es dans les vicissitudes de l’existence, tiraillé·es entre obligations (parentales, conjugales) d’un côté et désirs d’émancipation de l’autre.
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Ce nouveau roman raconte d’ailleurs une famille franzenienne par excellence, les Hildebrandt, soit le pasteur Russ, son épouse Marion et leurs quatre enfants, Becky, Perry, Clem, Judson. Nous sommes en 1968, dans une banlieue de Chicago.
Sans cruauté mais sans compromis
Crossroads est le nom de la paroisse de Russ, un lieu “à la croisée des chemins”, presque hippie par certains aspects – on s’y prend dans les bras, on s’y parle librement. Or c’est, rappelle Franzen dans la première moitié du livre, l’essence même du christianisme : une communauté fondée sur l’amour de son prochain et le devoir absolu de dire la vérité.
Non que l’écrivain, aujourd’hui sexagénaire, soit “revenu à Dieu” avec l’âge – à cette communauté mennonite dans laquelle il a grandi, comme il l’écrivait dans ses mémoires (La Zone d’inconfort, Éditions de l’Olivier, 2007). Sa plume est toujours aussi mordante, sans cruauté mais sans compromis vis-à-vis de la religion comme de ses personnages. Russ est parfois attendrissant, avec cette culpabilité qui lui colle à la peau, ce masochisme inhérent à toute forme de christianisme.
Il n’en est pas moins pitoyable, lâche dans son désir facile pour une veuve éplorée. Les protagonistes de Crossroads sont attachants, parfois fascinants. À les suivre sur des centaines de pages, à plonger dans leurs dilemmes, leur intimité, on a l’impression de les connaître comme des membres de notre propre famille.
“Crossroads” remonte dans le passé de ses personnages par une série de flashbacks et d’ellipses admirablement orchestrés
Le mystère épais de la foi
Franzen est impressionnant par sa capacité à nous faire entrer dans ses personnages, et dans une époque qui fut sa jeunesse. Il prend avec ce roman une place nouvelle, celle d’un grand moraliste qui scrute l’âme jusqu’à ses tréfonds les plus obscurs, en sachant que la clef de tant de choses réside dans le mystère épais de la foi, les croyances des un·es et des autres – surtout dans un pays religieux comme les États-Unis d’Amérique.
Crossroads remonte dans le passé de ses personnages par une série de flashbacks et d’ellipses admirablement orchestrés, qui éclairent les parts d’ombre qui les entouraient jusqu’ici. “À mon avis, un véritable roman de famille devrait s’étendre sur plusieurs générations, montrer ainsi comment les modèles se reproduisent”, poursuivait l’écrivain dans le New Yorker. On s’en réjouit : il ne s’agit que du premier tome d’une trilogie à venir.
Crossroads de Jonathan Franzen (Éditions de l’Olivier), traduit de l’anglais (États-Unis) par Olivier Deparis, 704 p., 26€. En librairie.
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