En retraçant la vie de son grand-père cow-boy, l’auteur réinvente les règles du roman familial avec panache.
A première vue, Cow-Boy s’inscrit dans un genre bien spécifique de la littérature : le récit familial, ou plutôt le portrait de l’aïeul, père, mère, grand-oncle, etc. – un genre en vogue ces derniers temps (on citera notamment en cette rentrée Anna Moï et Régis Jauffret). Il s’agit donc d’un livre sur le grand-père de l’auteur.
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Sauf que Jean-Michel Espitallier est un iconoclaste devant l’Eternel, poète avant tout, mais aussi musicien, auteur d’essais, d’autofictions et autres textes remarquables. Poète au sens premier du terme, soit quelqu’un pour qui chaque livre est l’occasion d’inventer un style spécifique, une langue.
Un intérêt pour les types à côté de la plaque
Cow-Boy part de presque rien : « Mon grand-père s’appelait Eugène. Eugène gardait les vaches. Mais c’était en Californie. Alors Eugène était cow-boy. C’est tout ce que je sais de lui. » Et crée à partir de là un texte inouï, à mille années-lumière des canons du genre. Pas de règlement de comptes ici, pas de père tué, de catharsis, d’interrogations sur la parenté, les filiations, ressemblances ou dissemblances avec un géniteur. Le livre propose au contraire, c’est ce qui fait d’emblée son originalité, une sorte de détachement total vis-à-vis de son sujet, une façon d’écrire sur cet aïeul sans aucune forme d’affinité.
Tour à tour enquête, western, Cluedo littéraire, poème en prose métaphysique, il retrace le parcours de son personnage, de son enfance dans les Alpes à son départ pour cette Californie où se concentre alors, en 1900, tout l’or du monde, jusqu’à son mystérieux retour au bercail à la fin de sa vie.
Cow-Boy reste pourtant un livre personnel, qui, au-delà d’un dernier chapitre consacré à son père, poursuit un trope propre à son auteur depuis son excellent Syd Barrett, le rock et autres trucs : un intérêt pour les paumés, les types à côté de la plaque, absents à eux-mêmes comme aux autres.
« Ils seront logés nourris et toucheront deux dollars par jour, écrit Espitallier. Deux dollars par jour, ça n’est pas l’Amérique, mais si ça aurait pu être mieux, ça aurait aussi pu être pire. » Souvent désopilant, virtuose, le récit saute d’un lieu, d’une époque à l’autre, avec inventivité. Un traitement biographique que seul aujourd’hui, dans un style différent, atteint Jean Echenoz.
Cow-Boy Editions Inculte, 144 p., 15,90 €
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