Eric Chauvier réagit à un dossier de « Télérama » et se lance dans la défense politique de “l’esthétique” des zones périurbaines.
Le titre provoc du nouveau livre d’Eric Chauvier porte la marque d’une blessure, celle d’un lecteur de Télérama qui, lisant dans un numéro la dénonciation de la « mocheté » des zones périurbaines, s’est senti atteint dans sa chair, la chair qui le rattache à son espace quotidien.
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Chauvier dénonce en retour le « jugement de classe qui faisait de notre zone périurbaine un monde évaluable à la seule mesure esthétique de leur monde à eux ». Contre Télérama et ces « journalistes centralisés » décrétant la laideur de la périurbanité, l’auteur réagit avec la « flamme » avivée par le « sentiment d’injustice que l’article avait fait éclore ». Cette flamme l’amène à consigner par le biais d’impressions dispersées la réalité de la vie dans ce cadre esthétique et social informe.
A partir de mots clés – espace, lumière, façades, rumeur, bienséance, nuit, laideur, incertitude… -, l’auteur dessine un territoire complexe dont les multiples entrées révèlent à la fois la richesse et la difficulté de la réduire à de simples slogans. Entre anthropologie sociale et littérature intimiste, il défend par principe son espace de vie, tout en se faisant l’écho d’une forme de mélancolie. Car cette vie périurbaine est « semblable à une épaisseur de neige tombée sur nos pavillons, insonorisant toute forme de vie qui pourrait s’en échapper, mais cloisonnant la vie singulière de chacun de ses habitants comme les agissements de putains dans un bordel ».
Dans ces zones, l’auteur note que « quelque chose nous sépare à jamais ». Il parvient à disqualifier la mocheté, concept plus politique qu’esthétique, sans pour autant magnifier un éden périurbain où la solitude des habitants égarés bute aussi sur un champ de béton.
Jean-Marie Durand
Contre Télérama, Allia, 64 pages, 6,10 euros
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