L’humoriste qui anime sur France Inter une chronique dans l’émission “C’est encore nous” a vu l’impression de son nouveau livre suspendue par le groupe Editis, propriété de Vincent Bolloré.
“Très étonné” et “dégoûté” : le chroniqueur Guillaume Meurice a découvert mardi 13 septembre la déprogrammation de son livre. Une commande passée par les éditions Le Robert qui l’avaient mandaté pour écrire, selon lui, “des blagounettes pas spécialement subversives”. Sa co-autrice, Nathalie Gendrot, ajoute : “Ce n’est pas du tout un brûlot, c’est un livre sur la langue et sur les expressions françaises héritées de l’histoire.”
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Le fin mot de l’Histoire de France en 200 expressions était prévu pour le 29 septembre, jusqu’à ce que la direction du groupe Editis décide de stopper son impression, a révélé Le Monde mardi. En cause, sept passages présentant, selon l’éditeur, un “risque de contentieux” et égratignant des marques comme Louboutin ou encore Deliveroo. Lors de la correction du manuscrit, les deux auteur·trices avaient accepté de remanier, au printemps dernier, certains passages et refusé d’en édulcorer d’autres. “On m’a mis en garde contre un procès en diffamation. C’est absurde, personne n’allait m’attaquer en diffamation, c’est de la satire, c’est ce que je fais d’habitude”, se défend Guillaume Meurice.
Ils avaient ainsi refusé d’ôter une blague raillant Vincent Bolloré, propriétaire de la filiale Editis, qui serait à l’origine du blocage : “Faire long feu : Expression remplacée aujourd’hui par : révéler sur Canal+ les malversations de Vincent Bolloré”. Meurice s’étonne : “L’éditeur est venu me chercher, c’est d’autant plus surprenant de me faire des reproches car des chroniques sur Bolloré, j’en ai déjà fait sur France Inter”. Finalement, “les éditeurs ont lutté jusqu’au bout pour que ça paraisse”, détaille Nathalie Gendrot. En vain.
Bolloré “a la main sur le bouton”
Cette dernière qui s’est, avec Guillaume Meurice, rapprochée d’une avocate pour donner suite à l’affaire, appelle également à une action collective : “Ce genre de ruptures de contrat n’arrive jamais dans le monde éditorial et surtout en passant outre l’éditeur, c’est assez inédit. Il faut que les syndicats prennent les choses en main, on doit être solidaires, ça nous concerne tous.” De son côté, l’humoriste s’alarme: “Le signal que ça envoie, c’est un gus qui décide quel livre sort ou pas. Il a la main sur le bouton et dit oui ou non.” Ce dernier a reçu le soutien de personnalités comme la députée LFI Clémentine Autain, qui parle de censure : “Voilà où conduit la concentration médiatique version Bolloré. La loi doit empêcher de tels monopoles qui brisent la création et la pensée.”
Le monde de l’édition s’inquiète en effet depuis plusieurs mois de la mainmise sur le secteur par Vincent Bolloré et son groupe, Vivendi. Son OPA sur Lagardère lui a permis de s’octroyer cette année le groupe Hachette, un rachat qui a entraîné le départ chez Fayard d’auteur·trices mécontent·es et inquiet·es pour leur indépendance éditoriale. Fin juillet, sous la pression de la Commission européenne, il a annoncé, dans un communiqué, la cession de sa filiale Editis – dans des circonstances qui restent pour l’instant floues.
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