Dans le deuxième volet de ses mémoires, l’idole underground Cookie Mueller propose d’aller au-delà de son vernis trash et donne à lire une leçon d’humanisme, de tolérance et de modernité.
Tignasse ébouriffée, khôl sur les yeux et patte de singe en collier : il y a eu un « look Cookie ». Le réalisateur John Waters, dont Mueller fut la muse et l’amie, s’en souvient : « De son vivant déjà, écrit-il dans la préface des mémoires de l’écrivaine, il y avait des filles et des drag-queens qui (le) copiaient (…). Le Lower East Side pullule toujours de fausses Cookie, mais aucune d’entre elles ne lui arrive à la cheville. »
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Mille vies en une
De fait, Cookie Mueller fut une icône de l’underground des seventies. L’une des comètes de cette contre-culture qui fascine encore. Née en 1949 à Baltimore, morte du sida en 1989 à New York, la jeune femme fut entre ces deux bornes égérie, actrice, auteure.
Mais aussi « promeneuse de chevaux de course, trafiquante de drogue, gogo danseuse, emballeuse de poissons, matelote, animatrice de Bar Mitzvah. » Mille vies et presque autant d’anecdotes farfelues pour un matériau littéraire fabuleux.
Au menu : tournage zoophile, trip de LSD et rencontre à l’épicerie avec la Manson Family
Il y a deux ans, Finitude publiait ainsi Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noir, premier volet des mémoires de l’icône perchée. Un recueil de quinze nouvelles, entre vrais souvenirs et craques de comptoir – comment savoir ? – livrés en débit mitraillette comme dans une contre-soirée cuisine sous cocaïne. Au menu : tournage zoophile, trip de LSD et rencontre à l’épicerie avec la Manson Family. De ce tome 1, on retenait la liberté et la folie d’une époque révolue, la légèreté fracassée par le sida.
Comme une version arty de la réunion de couture est le deuxième volet des récits autobiographiques de Mueller. Il réunit une vingtaine d’histoires datées de 1965 à 1989 et on y retrouve la déglingue tordante, les voyages abracadabrantesques et la poésie enjouée qui place l’auteure à mi-chemin d’une héritière Beat et de la partenaire idéale de biture.
Une ex-hippie aux engagements forts
Mais ce qui frappe surtout dans ses pages, cette fois, c’est l’extrême contemporanéité des idéaux qui s’en dégagent, la modernité des combats qui s’y livrent. Ex-hippie, mère célibataire, aimant les hommes comme les femmes, féministe et tolérante, Cookie Mueller y apparaît moins comme la mémorialiste d’un hier évanoui que comme la pionnière d’un idéal atemporel.
Et il est troublant de constater l’étonnante concordance de ses engagements avec les grands enjeux sociétaux d’aujourd’hui. Sous couvert de raconter ses drôles d’aventures, Mueller parle de l’identité et du genre, de la maternité et de la place de la femme dans la société, de l’importance, déjà, de l’écologie et du recyclage, de la solidarité indispensable et de la bienveillance nécessaire.
Car bien au-delà du vernis rétro branché de l’icône trash, ces textes donnent à lire la philosophie d’une écrivaine humaniste et philanthrope. Une pensée qu’on a crue ringardisée, enterrée par le cynisme et l’individualisme des années de libéralisme sauvage, mais qui, à l’heure des prises de conscience collectives en matière d’écologie, d’égalité homme-femme ou de solidarité sociale, apparaît bien plus que simplement cool : elle est inspirante.
Comme une version arty de la réunion de couture (Finitude), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Romaric Vinet-Kammerer, 208 p., 17,50 €
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