Jakuta Alikavazovic prend le Louvre comme prétexte pour se souvenir de son père amoureux de ce musée. Un très beau texte.
“Le Louvre est la première ville française où je me suis senti chez moi, disait mon père”. Ainsi Jakuta Alikavazovic raconte-t-elle, dans ce très beau livre autobiographique, ce jeune homme débarqué de Yougoslavie. Il passe sa vie dans le musée, le fait découvrir à sa fille, y sublime les malheurs de son existence d’exilé fauché. Elle y retourne donc trente ans plus tard, la nuit du 7 au 8 mars 2020. Seule, entourée de ces chefs œuvre qui sont pour elle comme des apparitions, des souvenirs de lui, des fantômes rejaillissant de sa petite enfance.
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“Je suis venue ici cette nuit pour redevenir la fille de mon père”, écrit-elle. Retrouver cette part d’elle-même qui lui file entre les doigts, remonter le fil d’Ariane du temps dans ce labyrinthe, jusqu’à lui. “Et toi, comment tu t’y prendrais, pour voler la Joconde ?”, demande à sa fille cet esthète aux allures d’Arsène Lupin, à chaque fois qu’ils retournent ensemble au musée.
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Univers parallèle
La nuit est d’ailleurs, depuis toujours, le lieu de prédilection de Jakuta Alikavazovic. Dans un roman précédent, L’avancée de la nuit, elle explorait déjà la façon dont on peut habiter la pénombre qui envahit le monde, à la tombée du jour, comme un univers parallèle où le temps se dilate. C’est aussi en puisant dans cette autre part d’elle-même que la romancière renoue ici, au-delà de la première strate mémorielle de la petite enfance. Car certains souvenirs peuvent être douloureux, et que seul l’art permet de les dépasser, les sublimer.
Jakuta Alikavazovic, Comme un ciel en nous, Stock, 150 pages, 18 euros.
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