A travers les pérégrinations de Lou, mi-Zazie mi-Lolita, Lise Charles offre un aller simple au pays de l’enfance. Une épopée loufoque et réjouissante.
Comme la Melody Nelson chantée par Gainsbourg, les héroïnes de Lise Charles sont à la fois odieuses et irrésistibles, irritantes et adorables. Dans La Cattiva, son premier roman paru en 2013, l’auteur de 28 ans suivait les pérégrinations italiennes et amoureuses d’une demoiselle capricieuse nommée Marianne Renoir comme le personnage d’Anna Karina dans Pierrot le fou.
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La narratrice de Comme Ulysse est elle aussi dotée d’un fort caractère. On ne connaît pas son prénom – un jeune poète allemand l’a baptisée Lou, comme la maîtresse d’Apollinaire –, ni son âge – elle aime dire qu’elle a 14 ans pour terrifier ses amants. On sait seulement que, comme Ulysse, elle a fait un beau voyage, qui l’a menée de France aux Etats-Unis. Sauf que ça ne l’a pas rendue heureuse.
Flot de mots nerveux
Au départ, Lou vit avec sa sœur Jeanne à New York. Mais elle ne supporte plus les minauderies de son aînée. Alors, elle se met à errer. Comme Ulysse, encore. Ou comme Leopold Bloom, son avatar joycien. Elle tombe d’abord sur Wolf, le poète allemand aux airs de “princesse en exil”. Puis sur Peter, un peintre qui vit à Stockbridge, la ville de l’artiste Norman Rockwell. Peter demande à Lou de devenir son modèle et de s’installer chez lui, dans la maison qu’il partage avec sa femme Rebecca, la “saloparde”, et leurs deux enfants.
On est immédiatement embarqué dans cette odyssée américaine grâce à la langue, celle d’une gamine, hybride de Lolita et de la Zazie de Queneau, qui déverse un flot de mots nerveux. Une écriture mal élevée, souvent drôle, parfois nostalgique, et mâtinée d’anglais : “(…) c’est désarticulé, je ne sais plus parler français, aucune langue d’ailleurs (…) alors je ne sais pas si je vais finir ce machin.” Lou interpelle, Lou tutoie – s’adressant en même temps à elle-même et au lecteur – et, cahin-caha, à force de digressions, d’histoires bizarres et même de dessins, elle va au bout de son “machin”.
Pays imaginaire
Comme dans La Cattiva, Lise Charles joue avec les références, nourrit le récit de Lou de clins d’œil à Virginia Woolf, Daphné du Maurier, Samuel Richardson, Faulkner, mais aussi à Lewis Carroll ou encore Pinocchio et l’histoire de Peter Pan. Le lieu où Lou souhaite retourner, c’est le monde de l’enfance. Un pays imaginaire dans lequel nous fait voyager Lise Charles avec ce roman d’une époustouflante liberté.
Comme Ulysse (P.O.L), 400 pages, 18,90 €
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