A Budapest, des ados entre drogue, jeux vidéo et YouPorn… Jusqu’à ce qu’ils provoquent un accident mortel. L’étincelant premier roman de Benedek Totth.
Disons-le d’emblée : la lecture de Comme des rats morts, premier roman du Hongrois Benedek Totth, est un choc. Du type de ceux que l’on a ressentis en découvrant L’Orange mécanique d’Anthony Burgess ou Moins que zéro de Bret Easton Ellis.
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Une voiture roule à tombeau ouvert, quelque part sur un périphérique de Budapest. A bord, des ados aux pupilles dilatées. Greg, le meneur, conduit sans permis la voiture de son père ; “la bouée”, surnommé ainsi pour ses 105 kilos, transpire en observant Vicky, 15 ans, pomper le dard d’un autre garçon comme dans les films X.
Alcool et drogues en tout genre circulent, et puis le véhicule heurte un cycliste, qui meurt sur le coup. Le lendemain de l’accident, la petite bande reprend son train-train quotidien : cours séchés, entraînement à la piscine, Grand Theft Auto, vidéos sur YouPorn.
Au-delà du Bien et du Mal
A 40 ans, Benedek Totth a déjà une belle carrière de traducteur derrière lui – des auteurs comme Cormac McCarthy, Aldous Huxley, Hunter S. Thompson, Bret Easton Ellis… Comment éviter la paraphrase ou la citation, quand on s’est attelé à transcrire dans sa langue les fulgurances de ces œuvres littéraires ? Si ce roman fascine et perturbe à la fois, ce n’est pas tant par ses références à ceux qui l’ont sans doute forgé que par sa capacité à se placer comme eux au-delà du Bien et du Mal.
Comme des rats morts a en outre quelque chose d’unique, un côté roman-manifeste, comme le cri d’amour et de désespoir lancé par une génération perdue d’avance, avant d’avoir pu arriver à maturité. Ces adolescents nés avec le siècle, qui ont tout appris sur la toile et se socialisent, communiquent, existent à travers les réseaux sociaux.
Comme tous les garçons de son âge, le narrateur doit se prétendre homophobe, sexiste, violent et cynique, pour ne pas se retrouver du côté des victimes
“Nicky arrive avec deux de ses copines en uniforme rose, observe le narrateur. Elle tripote son MP3 rose, les deux autres écrivent des textos. Leurs portables sont roses aussi. Même leurs regards sont roses.” Sans nom ni visage, ce narrateur a une dimension archétypale. Comme tous les garçons de son âge, il doit se prétendre homophobe, sexiste, violent et cynique, pour qu’on le considère comme suffisamment cool et ne pas se retrouver du côté des victimes, tabassées par les grands à la récré.
Sous les couches d’abrutissements de toutes sortes qu’il s’inflige avec lassitude (écrans, psychotropes, etc.) perce malgré tout l’acuité d’un regard, cet humour dont il use pour tourner au grotesque, et ainsi désamorcer, les épreuves qu’il subit puis fait subir aux plus jeunes et aux filles. Le titre résume parfaitement le propos : comme des rats morts. Dans une cage. Et pourtant pleins de vie.
Comme des rats morts de Benedek Totth (Actes Sud/Actes noirs), traduit du hongrois par Charles Zaremba et Natalia Zaremba-Huzsvai, 256 p., 21,80 €
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