Adeptes d’une autofiction souriante, Jean-Yves Ferri et Manu Larcenet réactivent Le Retour à la terre, une des meilleures séries humoristiques françaises.
La dernière fois que Manu Larcenet nous a donné des nouvelles de Manu Larssinet, son alter ego, il expérimentait la paternité, venait de construire une chatière et tenait un blog où il évoquait les élections municipales aux Ravenelles, le village de campagne où il a trouvé refuge. Onze ans plus tard, il découvre, avec du retard, que Mariette, sa compagne, est à nouveau enceinte et il se laisse envahir par les chats. La faute à Flast, la série morbide qu’il a entreprise pour se délivrer de ses angoisses.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Avec Le Retour à la terre, Jean-Yves Ferri et Manu Larcenet s’amusent à se mettre en scène dans une autofiction à peine approximative. Pendant les onze années qui ont séparé les tomes 5 et 6, le premier est devenu scénariste d’Astérix tandis que le second a enchaîné les albums violents et sombres – Blast et Le Rapport de Brodeck d’après Philippe Claudel. Il subit, par ailleurs, les hauts et bas propres aux troubles bipolaires, une maladie qui, selon ses déclarations en interview, lui a été diagnostiquée sur le tard. La matière biographique propre au détournement a peut-être gagné en complexité, mais le petit théâtre comique du Retour à la terre n’a pas subi de bouleversement… même si Larcenet dessine désormais en utilisant la tablette graphique et qu’un des personnages secondaires importants, Madame Mortemont, la voisine, s’est mise aux émoticônes.
La tonalité des gags, toujours racontés par une succession de demi-planches, reste légère. Au pire, apparaît un arrière-goût doux-amer vite atténué par une relance humoristique. L’entreprise d’autodérision ne connaît pas de ratés. Elle pourrait certes être plus grinçante et susciter des moments de malaise. Cela n’arrive pas, certainement parce que Ferri et Larcenet refusent d’aller trop loin, de peur de chasser le sourire qu’arborera toute personne ouvrant cet album, que ce microcosme campagnard lui soit familier ou non. Les bons moments ne manquent pas dans ce sixième tome, comme lorsqu’un éditeur parisien part en expédition, à la rencontre de Larssinet, et croise le chemin de zadistes totalement caricaturaux.
Vincent Brunner
Le Retour à la terre. Tome 6 : Les Métamorphoses (Dargaud), 48 p., 12 €
{"type":"Banniere-Basse"}