Après une semaine de confinement, le “click and collect” semble permettre aux librairies de sauver les meubles. Selon Renny Aupetit, fondateur du réseau de librairies indépendantes parisiennes Librest, ce système pèse déjà 40% du chiffre d’affaires habituel.
Les librairies indépendantes ne cèdent pas à l’ambiance de fin du monde qui s’est abattue sur elles depuis le 30 octobre, jour du début du deuxième confinement. Certes, la décision de les considérer comme des magasins non-essentiels, et donc de les obliger à fermer leurs portes les a plongées dans le marasme, avec une désagréable sensation de déjà-vu – le précédent confinement, qui avait duré deux mois, les avait privées d’un sérieux manque à gagner.
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Mais le système de “click and collect” mis en place par certaines d’entre elles, qui le maîtrisent désormais bien, semble porter ses fruits. C’est ce dont se félicite Renny Aupetit, directeur des librairies le Comptoir des mots (Paris XXe) et le Comptoir des lettres (Paris Ve), et fondateur du réseau Librest, qui regroupe treize librairies indépendantes du Grand Paris.
Des lecteur·trices suffisamment aguerri·es
En effet, après exactement une semaine de ce deuxième confinement, il trouve des raisons d’espérer, puisque le click and collect représente désormais 40% du chiffre d’affaires habituel dans les librairies de son réseau. Et cette tendance ne cesse d’augmenter. Contacté par Les Inrockuptibles, Renny Aupetit explique que le réseau Librest bénéficie de son expérience accumulée en matière numérique. La plateforme de vente en ligne qu’il a mise en place est en effet devenue une alternative bien connue et éthique à Amazon pour les lecteurs et lectrices parisien·nes : “Comme on fait ça depuis douze ans, le système est rodé, nos clients s’en servent indépendamment des périodes de confinement et ils sont suffisamment aguerris à ça. C’est pourquoi du jour au lendemain, le 30 octobre, on a constaté une volumétrie très importante, qui est aujourd’hui de 40%. Une de mes deux librairies, le Comptoir des lettres, est même à 80% d’activité.”
“On a bouffé notre pain blanc pendant vingt ans”
Pas question, donc, d’être esclave de la dépression. D’autant plus que l’inconnue demeure sur la durée de cette deuxième période de claustration : “Cette situation pourrait très bien se produire une troisième ou une quatrième fois. Les conditions sanitaires font qu’on a intérêt à avoir des outils pour le court, moyen et long terme”, observe Renny Aupetit. Il faut donc se préparer résolument à palier toutes les éventualités, et à continuer de diffuser les œuvres par d’autres moyens. Le gouvernement planche aussi sur le sujet, puisqu’il vient d’assurer que l’Etat prendra en charge les frais d’envoi de livres pour les libraires pendant la durée du confinement à partir du 5 novembre.
Les lecteur·trices ont aussi bien compris qu’ils et elles avaient un rôle à jouer : “On ne représente pas la France entière, mais nos clients sont suffisamment informés pour ne pas se précipiter sur d’autres sites. Ils préfèrent fonctionner avec nous, parce qu’ils ont à cœur de faire en sorte que le chiffre d’affaires transite bien par les librairies. Tant mieux, car on a bouffé notre pain blanc pendant vingt ans, où les grandes surfaces culturelles et Amazon raflaient la mise.”
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“On entre dans un nouveau cycle”
En effet, c’était déjà la crainte des librairies lors du premier confinement : que le boulevard laissé à Amazon profite au seul géant du numérique, y compris à long terme. La mise en place de différentes plateformes numériques comme Librest (librairiesindependantes.com, Lalibrairie.com, leslibraires.fr, Emmaüs) permet de contester le monopole d’Amazon dans ce domaine. Selon Renny Aupetit, à force de mobilisations et de sensibilisation de l’opinion publique à ces sujets, une révolution des consciences est en marche : “Je pense qu’on entre dans un nouveau cycle, on revient au commerce traditionnel, à des valeurs essentielles. Les gens vont être plus citoyens, responsables et engagés. J’y vois une note d’espoir : ils ont bien compris qu’on n’allait pas se contenter d’engraisser les GAFA.”
“On a une activité de commerce de proximité”
Il en veut pour preuve, déjà, la vague de lecteur·trices qui avait submergé les librairies lors du précédent déconfinement : “A l’occasion du premier déconfinement, on a senti ce soutien : en cinq mois, on a compensé les deux mois de fermeture du confinement. Il y a de grandes chances que pour le deuxième déconfinement donne lieu à une vague similaire”, pronostique-t-il.
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Alors bien sûr, pour l’instant, impossible pour les lecteur·trices de flâner dans les rayons des librairies, de feuilleter les livres et d’en sentir les pages. “On a une activité de commerce de proximité, mais réduite au pas de la porte”, convient Renny Aupetit. Mais comme disait Pablo Neruda, “ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront jamais le printemps”. La réouverture des librairies arrivera en temps et en heure, et les lecteur·trices seront au rendez-vous.
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