Dans une fresque historique glaçante – roman événement de l’automne et finaliste de notre Prix Littéraire des Inrocks –, Christophe Donner met au jour les dérives, les violences et les fractures de la France de la IIIe République.
Au cœur cette France goy, le sinistre Edouard Drumont, journaliste polémiste d’extrême droite aux ambitions politiques. Cela vous rappelle quelque chose ? Nous aussi. Interview sur les échos troublants de l’Histoire avec notre actualité.
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Haine raciale, sectarisme et communautarisme, tensions sociales, terrorisme, polémiques médiatiques et polémiste aux ambitions politiques. Est-ce que les si nombreux parallèles entre le climat de la IIIe République et notre actualité contemporaine vous ont surpris, vous-même, à l’écriture du roman ?
Christophe Donner – Je savais déjà que la xénophobie ne datait pas d’hier. J’avais l’intuition que l’antisémitisme d’aujourd’hui n’était pas le même qu’avant l’affaire Dreyfus, qui n’était pas le même après, etc. Il est tellement polymorphe que “la lutte contre l’antisémitisme” est un concept qui sonne creux. L’étonnement, c’est que jusqu’à la Shoah, des écrivains rédigeaient des pamphlets antisémites. Il n’y en a plus pour s’y risquer. C’est un progrès pour la morale et une perte pour la littérature (celle qui n’a pas d’opinion, pas de loi et aucun tabou).
Que vous inspirent ces parallèles ?
De la gêne. “Verguenza ajena” [de l’embarras par procuration, ndlr], comme on dit en espagnol.
Quel instrument politique est la haine, d’après-vous ?
Je ne suis pas sûr que ce soit un instrument. C’est avant l’instrument. C’est entre l’énergie et la parole. La verbalisation de la haine n’étant plus tout à fait de la haine.
Comment lutte-t-on contre ?
Parole, écriture, lecture.
Quel regard portez-vous sur ce polémiste et candidat d’extrême-droite d’aujourd’hui, que l’on ne peut s’empêcher de rapprocher de la figure Drumont ?
Il n’est pas à la hauteur, heureusement pour la société, malheureusement pour la littérature.
À l’inverse, qu’est-ce qui les distingue d’après vous ?
La barbe et le sens du ridicule.
En 1914, c’est la guerre qui finit par ressouder les communautés en France et affaiblir l’antisémitisme. À la lumière de l’Histoire, quelles autres alternatives se présentent à nous ?
La guerre de 1914-1918 n’a rien ressoudé, elle a beaucoup dessoudé, si vous me permettez ce jeu de mots. Elle n’a même pas affaibli l’antisémitisme. Juste dissimulé. Provisoirement. L’alternative, c’est la paix.
Êtes-vous inquiet pour les mois, les années à venir ?
Pour le Liban, l’Afghanistan, oui. Pour la France, pas encore. C’est peut-être ça qui devrait m’inquiéter.
Propos recueillis par Léonard Billot.
La France goy de Christophe Donner (Grasset), 512 p., 23 €. En librairie.
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