Dans “Mon ancêtre Poisson”, l’auteure nous raconte le parcours rocambolesque de son arrière-arrière-grand-père Jules.
Il est réjouissant de suivre un écrivain comme on prend des nouvelles d’un ami. En l’occurrence Christine Montalbetti, découverte avec délice en 2006 avec La vie est faite de ces toutes petites choses, accompagnée avec Le Bruiteur en 2017 et bien aimée avec Trouville Casino l’an passé.
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Cette fois, franchement, on l’adore. Parce qu’une fois de plus, elle nous déroute. L’“ancêtre Poisson” n’est pas celui qu’on croit. Certes, nous procédons tous d’un foutoir amibien d’où un poisson a un jour sorti la tête pour aller voir sur terre s’il y était. Mais Christine Montalbetti s’obsède d’une autre sorte de généalogie. Poisson est le patronyme d’un de ses aïeux, prénommé Jules ; son “arrière-arrière-grand-père” comme elle le répète à l’envi.
Un roman familial passé au détergent de l’humour fou
Pratiquant le ricochet à la surface des souvenirs, elle est animée de “cette affection inconsidérée qu’on peut ressentir pour des ancêtres qu’on n’a pas connus”. Mais forcée aussi, poussée dans le dos, par le sentiment “injustifiable, étourdissant” d’être une fille prodigue se décidant “à rentrer à la maison”.
Ecce homo : Jules Poisson, né à Paris en 1833 et mort en 1919. Ces deux dates sont déjà un vertige. Poisson a donc vécu quelques bricoles qui bouleversèrent l’histoire de France. Napoléon III, Commune de Paris, guerre de 14, qui sont ici magnifiquement évoqués. Et, aussi bien, les inondations de 1910 ou un épisode gla-gla à l’hiver 1879-1880.
Autodidacte naturaliste, attaché au Jardin des Plantes, s’échinant nuit et jour à résoudre des énigmes botaniques…
Mais Jules n’est pas seulement un témoin des événements passés, il est aussi un personnage intime dont Christine Montalbetti, telle une Vulcaine, forge les traits à grands coups de marteau sur l’enclume de son roman familial. Ce Jules Poisson en effet, c’est quelqu’un ! Autodidacte naturaliste, attaché au Jardin des Plantes, s’échinant nuit et jour à résoudre des énigmes botaniques… Entre Sophie, sa douce épouse, et Eugène, son fils énigmatique, c’est la sarabande des morts vivants.
A toutes les pages, un murmure se glisse : “N’est-il pas formidable mon Poisson ?” Oui, madame Montalbetti, ce Jules est grand, et on aurait aimé le connaître comme il vous plaît de le raconter, aléatoire, fabuliste et zigzaguant entre humour fou et autodérision. Avec à la volée une pincée de mélancolie quand, dans la ramure de l’arbre généalogique, brusquement une évidence malcommode bourgeonne : “Le fait que moi je suis au bout d’une branche qui ne se ramifie pas.”
Mon ancêtre Poisson (P.O.L), 232 p., 19 €
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