L’histoire des grandes réussites du management, c’est vu et revu, alors Christine Kerdellant nous fait découvrir les plus grosses bourdes des big boss de l’entreprise – des échecs qui bien souvent ne les ont pas empêchés de réussir.
C’est l’idée non dénuée de sens de Christine Kerdellant, ex-enseignante à HEC, ancienne chef d’entreprise, journaliste, conférencière et écrivaine, qui a publié son dernier ouvrage en février, Ils se croyaient les meilleurs – Histoires des grandes erreurs de management, où elle plonge dans l’intimité des fails, et nous déculpabilise de l’échec.
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Dès la première phrase, l’écrivaine pose les bases : “On ne bâtit pas des Apple et des Microsoft avec des premiers de la classe.” De quoi rassurer quelques parents. Dans ce livre, ce sont les plus grandes erreurs des plus grands dirigeants qui sont mises en lumière, de Steve Jobs à Bill Gates (récemment nommé homme le plus riche du monde) en passant par Mark Zuckerberg et le baron Bich, les échecs les plus criants sont donnés comme exemples. Comme elle l’explique dans son livre: “Dans la Silicon Valley, sur votre CV, vous développez aussi vos échecs ; en France, vous les transformez en année sabbatique.”
L’écrivain va donc exposer les erreurs qui auront coulé des entreprises (Kodak, Club Med…), et celles qui en auront aidé d’autres à apprendre et se relever (Apple, Google…). Une intrusion dans les 150 bides qui ont marqué l’histoire.
12 erreurs types
En 12 chapitres, Christine Kerdellant nous expose les cas d’école des erreurs qu’elle recense en « erreurs types identifiées ». L’écrivaine nous conte les plantages de Google avec la « Google Glass » qui pensait en testant ce produit marquer le tournant technologique mais qui s’est prit un râteau à cause du danger rappelant Big Brother, elle nous apprend aussi que Google est une vraie machine à essais (Google Reader, Google wave, Jaiku, Google Answers…), plus de 70 projets par an restent a leur état de projets, elle nous dit d’ailleurs :
“Avoir une des plus grosses capitalisations boursières du monde, des bénéfices parmi les plus plantureux, tout en affichant un des plus forts taux d’échecs de la planète, non seulement ce n’est pas incompatible, mais le dernier point explique sans doute les premiers.”
Elle se préoccupe des erreurs de timing. Les exemples sont nombreux, et Christine Kerdellant se fait un plaisir de les énumérer, du Minitel à MySpace en passant par le site de vente en ligne Boo.com, tous ces cas sont arrivés non pas trop tard… mais trop tôt ! D’où la question: faut il être « first mover » ou « fast follower » ?
L’erreur la plus évidente commise par des grandes entreprises comme le Club Med, Levi’s, Chevignon, Adidas ou encore Harley Davidson, est de s’être endormis sur leurs acquis, le fait de ne pas innover, de ne pas évoluer (ou trop tard), de ne pas se remettre en question et croire que le produit original de l’entreprise, sa « vache à lait » comme le définit l’auteur, sera une réussite indéfiniment.
Les erreurs les plus monumentales de l’histoire comme Kodak, un empire qui a lui-même refusé de commercialiser tout ce qu’il concevait, comme le premier appareil photo numérique ! Ou encore Peugeot qui refusera le modèle Espace initialement conçu pour lui, ce qui permettra à Renault de marquer le tournant des monospaces, Bic qui s’essaiera au parfum et qui connaîtra un échec des plus grandiose, Microsoft et ses ratés comme Zune, Vista ou Surface ou encore le Pepsi Crystal.
Le livre fourmille d’anecdotes, Christine Kerdellant ne s’encombre pas de données théoriques mais expose des faits avec humour et ironie. Elle nous rappelle des moments de l’histoire qui aujourd’hui nous font sourire:
“C’est un petit garçon aux cheveux lisses aplatis sur le crâne, aux sourcils en accent circonflexe, aux yeux noirs et au sourire sarcastique : un petit diable qui scande… « La mamie que je préfère, elle est dans le Frigidaire ». Nous sommes en 1989. La campagne publicitaire de CLM/BBDO pour Mamie Nova est plébiscitée par les professionnels… Ah ce message décalé ! Ce second degré génial ! La campagne reçoit plusieurs prix. Seul l’annonceur fait la fine bouche… En quelques semaines, les ventes de Mamie Nova s’effondrent de 40 %. Cette campagne est sans doute la plus désastreuse de toute l’histoire de la communication en France.”
La partie (très drôle) des « casse-têtes du consommateur mondial » décrit les problèmes rencontrés par les entreprises dans leur implantation sur les marchés étrangers… comme les erreurs de traduction ! Elle évoque Coca-Cola : « Lorsqu’il lui a fallu adapter son nom au marché chinois, il a d’abord traduit littéralement ‘Kekoukela’. Avant de s’apercevoir que ces idéogrammes signifiaient ‘jument fourrée à la cire’.”
Puis les erreurs classiques et scandales bien connus comme l’affaire Kerviel, les problèmes d’éthique de Carlos Ghosn, le désastre Alcatel-Lucent, le sexisme d’Abercrombie&Fitch, IBM qui fera la fortune de Microsoft ou encore Carrefour qui oubliera sa clientèle au profit de son propre profit…Toutes ces erreurs qui cachent de grandes histoires et des conséquences plus ou moins gratifiantes sont pertinemment décryptées par l’auteur.
Bible du management ?
Ce livre est bien plus qu’une liste simple des erreurs du management mondial, c’est aussi un conseil au monde des décisionnaires, des jeunes entrepreneurs, des patrons effrayés. Christine Kerdellant examine chacune de ces mauvaises décisions, tente de comprendre les tenants et aboutissants, avec des références multiples à des économistes, sociologues, experts, philosophes et P-DG reconnus. Chaque chapitre est accompagné de son intelligente analyse. Un livre qui se veut une aide à tous les gens qui souhaitent comprendre un monde parfois bien impénétrable. Pas de place à l’erreur, on remerciera l’écrivain pour sa recherche de sens, sa bienveillance envers le lecteur et des efforts de ludisme faits pour les moins avertis du vocabulaire économique.
Ils se croyaient les meilleurs – Histoire des grandes erreurs de management, de Christine Kerdellant (Denoël, 528 pages, 21,50 euros).
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