Ce monument de la BD mondiale et trésor érotique est proposé pour la première fois en intégrale et en couleurs.
Certaines œuvres sont tellement fleuves qu’il semble possible de s’y rafraîchir pour toujours. Lancées en 1965 par le génie Guido Crepax, les aventures de Valentina ont été publiées en France pour la première fois quatre ans plus tard avant de donner lieu, depuis, à un dédale de livres dans des maisons différentes.
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C’est pourquoi cette intégrale, prévue en douze tomes, de la plus fameuse héroïne italienne de la BD constitue, près de vingt ans après la mort du dessinateur, un événement parce qu’elle propose, tout simplement, de mettre dans l’ordre chronologique une série qui a accompagné son auteur jusqu’à la fin. Ces deux beaux premiers volumes, avec leurs histoires policières ou de science-fiction baroque, éclairent d’abord la prise de pouvoir réalisée par Valentina, modelée d’après l’actrice Louise Brooks mais aussi l’épouse de Crepax.
Érotisme cérébral
Au départ, la photographe de mode n’est que la compagne et la “demoiselle en détresse” du héros, Philip Rembrandt, critique d’art le jour et justicier au regard paralysant la nuit. Souvent ligotée et sujet consentant d’un sadomasochisme théâtral, Valentina échappe cependant par un retournement de perspective à la dictature du male gaze. Elle incarne en effet une rêveuse à l’imaginaire souvent torturé, l’adepte d’un érotisme cérébral qui ne laisse personne lui imposer ses fantasmes ou ses amants. La grosse affaire de cette intégrale consiste en la mise en couleurs, plutôt subtile et élégante, opérée à la demande des enfants de l’auteur.
L’abandon du noir et blanc classique fera suffoquer les puristes mais met en lumière comment Crepax, autrefois illustrateur de publicités et de pochettes de disques, intègre dans sa série ses passions culturelles comme l’art optique de Vasarely, le dadaïsme, le jazz, la Nouvelle Vague, la littérature, la mode. S’il peut signer en trois pages un remake de Persona d’Ingmar Bergman, ses relations avec le cinéma ne sont pas unilatérales : son prodigieux sens du découpage a été remarqué par Alain Resnais qui, selon ses aveux, s’en est inspiré.
Valentina, l’intégrale, de Guido Crepax (Dargaud), traduit de l’italien par Delphine Gachet, 2 tomes, 224 p., 35 € chaque. En librairie.
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