Dans Beyrouth 2020, le Libanais Charif Majdalani livre un précieux témoignage sur la vie quotidienne au Liban durant l’été 2020, alors que les catastrophes s’accumulent.
C’est un carnet de bord débuté en juillet et rattrapé par l’horreur : le 4 août, une terrible explosion a détruit le port de Beyrouth. Dans la première partie du livre, Charif Majdalani décrit la situation actuelle du Liban et rappelle son passé récent. Puis son texte est pulvérisé par la catastrophe, se reconfigurant en une bouleversante mise en écriture du désarroi.
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Au départ, l’auteur de Villa des femmes (2015) construit son journal comme il écrit ses romans, en agençant de petites anecdotes chargées de sens, en reliant différentes époques, en croisant histoire collective et aventures privées. Il détaille les mécanismes économiques et politiques qui ont conduit à l’effondrement de cette « arrogante petite Suisse qui se prenait pour l’héritière d’une nation antique, voire biblique ».
Des images fortes et des détails poétiques
Il analyse comment son pays a vécu sur un système financier absurde, jusqu’à une fracassante banqueroute de l’Etat. Il raconte les conséquences désastreuses dans la vie des Libanais·es : en juillet, les prix flambaient et plus rien ne fonctionnait, de la gestion des déchets jusqu’à la production d’électricité. Et quand Majdalani montre comment la construction d’un récit national mythologique masque les failles d’un système aux yeux de ses habitant·es, ce qu’il dit peut sans aucun doute s’appliquer à d’autres pays.
L’auteur livre également un précieux témoignage sur l’atmosphère qui l’entoure. Dans de courts chapitres, à travers des histoires humaines attrapées au fil de conversations fortuites, il nous plonge dans le Liban de cet été 2020, tétanisé par le coronavirus, un pays où la pauvreté de certaines catégories de la population est inquiétante. Il sait isoler des images fortes, mais aussi des détails poétiques : dans la nuit noire d’une ville privée d’électricité, une rafale de vent transporte un parfum de gardénia.
La journée du 4 août marque une rupture formelle dans le texte. Un vide dans la page, une phrase laissée en suspens, puis se bousculent des informations fragmentaires, accumulation qui traduit parfaitement le chaos dans lequel se trouve la ville.
Beyrouth 2020 – Journal d’un effondrement de Charif Majdalani (Actes Sud), 160 p., 16,80 €
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