En six textes courts, l’écrivaine britannique réfléchit à ce que le confinement a mis en lumière de nos sociétés. Un inédit qui paraît directement en poche.
Au printemps 2020, lorsque la pandémie a explosé, Zadie Smith enseignait l’écriture créative à l’université de New York. Les textes traduits aujourd’hui en français ont été rédigés à ce moment-là. L’intérêt, c’est que l’écrivaine anglaise regarde les Etats-Unis avec distance, et son propos en est d’autant plus aiguisé. L’autrice de Sourires de loup agit souvent en romancière plus qu’en essayiste : elle observe les gens dans leur quotidien, attrape des conversations échangées au bas de l’immeuble, en tire quelques constats et nous laisse y réfléchir.
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Ce qui est dit, sans grandes phrases, c’est que quelque chose s’est effondré bien avant l’arrivée de la pandémie. “La promesse infinie de jeunesse américaine – cette promesse fabriquée par le cinéma, la publicité et les brochures des universités – n’est qu’un mensonge creux, et depuis tellement longtemps que mes étudiants aujourd’hui en plaisantent avec une forme d’humour noir qu’on imaginerait plus spontanément chez des vieillards et des vétérans de guerre.”
Surtout, dans un texte très politique, Zadie Smith, fille d’une immigrée jamaïcaine, met en évidence les problèmes de pauvreté et de discrimination, de racisme, devenus cruciaux au moment du confinement.
En quelques phrases, tout y est : la détresse dans laquelle sont laissé·es les immigré·es, la nostalgie du pays des origines, la violence
Le récit “Une aînée à l’arrêt du bus 98” débute, lui, sur un flashback. Alors que Zadie Smith vit encore à Londres, une femme du quartier de son enfance, Stonebridge, la reconnaît dans la rue et l’appelle par son vrai prénom, Sadie. Elles bavardent quelques minutes. Plongée dans ce souvenir, Zadie Smith entame une conversation en vidéoconférence avec sa mère.
On peut acheter le recueil – inédit, qui paraît directement en poche – juste pour cette petite merveille de subtilité. En quelques phrases, tout y est : la détresse dans laquelle sont laissé·es les immigré·es, la nostalgie du pays des origines, la violence, les femmes qui se débrouillent, ou pas, face à l’injustice, la poésie simple d’une conversation entre une mère et une fille empêchées de se voir, et le fil ténu, malgré le chemin parcouru, qui relie toujours la romancière à son enfance et au quartier de Stonebridge.
Indices. Six essais (Gallimard/“Folio”), traduit de l’anglais par Sika Fakambi, 54 p., 8,60 €. En librairie le 17 juin
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