La romancière bat les cartes d’un jeu de rôles où n’importe qui a le droit de devenir un personnage.
Dans Ce que c’est qu’une existence, son onzième roman, Christine Montalbetti pratique l’art (vice et vertu) d’alpaguer le·la lecteur·trice dans son supposé retranchement jusqu’à parfois lui demander de trancher sur la suite du récit.
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“Gros-Jean comme devant” (Montalbetti dirige un ouvroir des expressions en voie de disparition), qu’est-ce qu’on fait ? Qu’est-ce que vous faites, en marge du vouvoiement distancié de La Modification (1957) de Michel Butor, à fréquenter autant de passager·ères ? Stan, Rita, Dorris, Magda, Ahmad, Djibril, Lucie, Murad, Joseph, Élise, Pierre, Jalil… Tous·tes embarqué·es dans une polyphonie synchrone, puisqu’on les suit, ensemble ou disjoint·es, sur terre, sur mer, dans le ciel, le temps d’une même journée ?
Retour en enfance
“Mais ne vous inquiétez pas, ce sera tout doux, tout progressif, on ne va pas du tout se perdre, non, et je suis là pour aider. (…) On surfera, à l’aise Blaise, habiles et souples, hop, hop, et progressivement ce sera tout un petit monde qui se construira.” Un monde de souvenirs (bons ou mauvais), un monde d’enfance qui est celle de l’art : “Écrire un roman, je me dis parfois, c’est, comme quand on était petits, vous emmener dans un recoin et vous chuchoter toi, tu serais ça.” Entre autres, quel que soit son genre : Zorro, “le vengeur masqué”, Fantômette, pas moins masquée, une fée (la robe brodée d’or et la baguette magique incluses) ou un Autochtone d’Amérique qui s’inquiète dans son tipi “avant de repartir dans les paysages, pêcher ou guerroyer”.
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À charge, légère pour nous, d’inventer les liens entre un sauveteur sur un bateau d’humanitaires, une hôtesse de l’air pas dans son assiette, une agonisante sous perf’, un sans-abri au coin de la rue, une imprudente qui prend le mauvais taxi, un vieux monsieur qui feuillette un album de photos de famille. Or, des liens, il y en a à foison, selon le bon vouloir d’une écriture aléatoire qui est celle d’une raconteuse hors pair, toujours drôle même quand elle est grave. Au bout des chemins de traverse, on a une petite idée de ce que sont nos existences. Seul·es, tous·tes ensemble.
Ce que c’est qu’une existence (P.O.L), 384 pages, 20 €. En librairie.
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