Une biographie de Leonard Cohen qui nous permet de rencontrer le jeune poète et romancier qu’il fut, avant de se saisir d’une guitare…
Publié en 2014, du vivant de Cohen, A Broken Hallelujah, signé Liel Leibovitz, est l’une des plus brillantes évocations de l’immense Leonard (avec la biographie de référence d’Ira B. Nadel, Leonard Cohen – Le Canadien errant). Construite de manière chronologique, cette biographie est truffée de documents rares (photos, fac-similés) et d’histoires précieuses qui permettent de s’approcher au plus près du parcours génial et chaotique de Cohen, et notamment de ses années de jeunesse qui constituent près de la moitié de l’ouvrage.
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Voilà la grande force de ce livre : dresser un portrait de l’artiste en jeune poète montréalais fasciné par Federico García Lorca et admiratif de ses congénères canadiens, Irving Layton ou Abraham Moses Klein. C’est en compagnie de ce Cohen-là que l’on passe du temps, avec ce jeune homme qui, comme son ami et rival Mordecai Richler, semble travailler d’arrache-pied, entre deux verres de vin et un voyage, à la mise en orbite progressive d’une littérature canadienne introuvable.
Alors qu’en Amérique la beat generation a presque fini de danser sur les cendres de Thoreau ou d’Emerson, le Canada, lui, peine à en trouver ses auteurs de référence et son histoire. Ambitieux, Cohen se met donc sur les rangs ; mais il quittera bien vite l’aventure romanesque (après deux essais pourtant concluants : The Favorite Game et Les Perdants magnifiques) pour se glisser – par opportunisme peut-être – dans la peau du folk singer lettré.
Un héros tragique et moderne
Sans vraiment délaisser la poésie (qu’il a pourtant le sentiment de trahir en tenant une guitare), Cohen – raconte Leibovitz – deviendra alors le messager que l’on connaît, ce bonze discret et surrespecté qui concluera sa vie et sa carrière en apothéose, offrant à ses fans plusieurs tournées mondiales dignes des plus grandes messes et un ultime abum frisant la perfection.
C’est cette trajectoire à la fois humble, étrange et fulgurante que Liel Leibovitz met en perspective avec une précision folle, faisant de Cohen un héros à la fois tragique et moderne, véritable passager clandestin d’une époque qu’il aura pourtant comprise mieux que quiconque.
A Broken Hallelujah – Rock and Roll, rédemption et vie de Leonard Cohen (Allia), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Silvain Vanot, 272 pages, 20 €
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