Des excès de la pop culture aux marges de Los Angeles, Jean Rolin fait de Britney Spears l’héroïne la plus romanesque de la rentrée littéraire.
Vous parlez également beaucoup de la chanteuse et actrice Lindsay Lohan…
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Il y a aussi une dimension tragique chez Lohan, que je trouve plus jolie et plus sexy que Britney, mais qui humainement me touche moins. Cependant, les excès innombrables auxquels elle se livre traduisent un véritable désarroi. Elle est devenue sa propre ennemie. Je ne suis pas attiré par les stars et le show-biz mais j’assume parfaitement un côté midinette.
Entre la virtualité des cartes que vous consultez chez vous à Paris et la vérité de Los Angeles quand vous vous y installez pour trois mois, qu’avez-vous éprouvé ?
Quand j’ai débarqué à L. A., je me suis senti complètement paumé. J’étais fondamentalement seul. J’en ai un peu souffert au début, mais c’est aussi ce que je recherchais. C’est là que s’est construit le personnage du narrateur – agent secret –, car je ne savais pas par avance comment s’articulerait mon récit. Je me posais beaucoup la question de la proximité ou non que le narrateur devait entretenir avec son sujet. Je me suis dit que l’approcher véritablement demanderait trop d’efforts (joindre ses agents, etc.) et je ne voulais certainement pas faire une interview d’elle. Finalement, je trouvais ça plus intéressant de n’être jamais amené à la rencontrer, sauf à la fin où je – enfin, le narrateur – me retrouve avec elle dans un bistrot. Il m’a semblé que pour maintenir cette distance, il fallait que le narrateur soit amené à surveiller ses mouvements, à étudier ses attitudes de loin. Avec pour consigne de l’observer à son insu, dans une position de voyeur que je trouve littérairement plus stimulante.
Ce qui est drôle, c’est que le fait d’être à Los Angeles ne change presque rien : le narrateur suit les activités de Britney sur internet, comme n’importe qui, n’importe où dans le monde.
A part la course poursuite à la fin avec les paparazzis qui la traquent et qui m’ont permis de les suivre, le fait d’être un éternel spectateur face à la pop culture est un des thèmes que je voulais développer. Au fond, tout ça n’existe pas, ou existe à peine… Ici, à Paris, maintenant, nous pourrions suivre l’actualité de Britney ou de Lindsay avec la même acuité que si nous étions à Los Angeles. La seule différence, c’est que là-bas, même si l’on ne sait pas conduire, on peut prendre un bus ou marcher jusqu’au magasin où elles sont en train de faire des courses – puisqu’en général elles y passent un temps fou. A L. A., tu peux passer du virtuel au réel, même ténu. Par exemple, j’ai pu regarder sur le net la perquisition diligentée par le père de Lohan chez sa fille et découvrir que ça se passait dans l’immeuble d’en face. Et puis le fait d’être à L. A. m’a permis d’écrire un livre sur L. A., puisque c’était quand même mon projet initial : assister au défilé des Mexicains le 1er mai, à la parade de la police pour l’enterrement de leur chef… C’est autre chose d’y être.
N’avez-vous pas été confronté à une forme de vacuité ?
Parfois jusqu’à la cinglerie, jusqu’à la dépression. Pendant que je guettais Lohan à la sortie de sa comparution chez l’attorney, à Venice, j’ai vu des tas de gens l’attendre debout trois heures durant, alors qu’ils ne la connaissent même pas… Les starlettes de la téléréalité déplacent encore plus de monde et n’ont pourtant pas vraiment d’existence, ce sont juste les vedettes d’émissions comme Keeping up with the Kardashians ou de sex tapes. Lindsay Lohan est différente de ces filles, qui sont pour moi la quintessence de la nullité absolue, telles les trois soeurs Kardashian (héroïnes de reality show – ndlr). Lindsay a quand même commencé sa carrière comme actrice, certes de seconds rôles, mais bonne actrice. Si elle faisait moins de conneries, elle serait parvenue à un autre statut.
A moins de 30 ans, les stars comme Britney semblent déjà cramées…
Elle a pris presque autant de risques que les stars des années 60 que nous vénérions.
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