En neuf essais brefs, l’auteure du Cœur battant de nos mères pointe le racisme qui imprègne les Etats-Unis, mais voit dans Black Lives Matter l’émergence d’un nouvel élan.
Dans le film Get out sorti l’an dernier, le jeune réalisateur Jordan Peele mettait en scène de manière extrêmement intéressante un couple de riches Américains, blancs et démocrates, qui clamaient partout leur amour d’Obama, mais dont tous les amis étaient blancs et tous les domestiques noirs.
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Aujourd’hui, Brit Bennett, née en 1990, s’interroge à son tour sur ces “gentils Blancs”, qui “se réjouissent d’avoir accompli de bonnes actions envers les Noirs”. Les neuf courts textes qui composent ce recueil ont été écrits entre 2014 et 2017, et ils permettent d’observer cette problématique sous plusieurs angles.
Une prise de conscience semble en marche, comme en témoignait la sortie en 2015 de l’ouvrage du journaliste Ta-Nehisi Coates, traduit sous le titre Une colère noire aux éditions Autrement, auquel Bennett rend hommage et dont elle prolonge la pensée.
>> Lire portrait de Ta-Nehisi Coates
Comme Coates, elle propose une lecture renouvelée de la question noire aux Etats-Unis et situe dans le temps la naissance de cette révolution qui a produit le mouvement Black Lives Matter : en 2013, lorsque la justice innocente le meurtrier d’un adolescent noir, Trayvon Martin. “Cet été-là, je me suis réveillée.”
Persistance des clichés, des crimes racistes et des injustices raciales
Son livre s’intéresse à la persistance de certains clichés et analyse la clémence de la justice lors de meurtres racistes. Pour cela, elle décortique les représentations des Noirs, dans la littérature ou le cinéma, qui hantent l’imaginaire collectif. Bennett pointe les petites vexations qu’elle subit au quotidien, dont elle ne peut même pas se plaindre sous peine de passer pour une paranoïaque obsédée par la question noire.
“C’était beaucoup plus simple dans le Sud rural, lui confie sa mère, née en Louisiane dans les années 1950. Les Blancs vous faisaient comprendre d’emblée à quoi vous en tenir.” Elle souligne le racisme inconscient, institutionnalisé, présent dans le langage même.
Prenant l’exemple du drame de Charlestown, où un Blanc a tiré sur des paroissiens noirs dans une église, elle relève que dans un tel cas le mot terrorisme n’est pas employé. L’auteur est alors désigné comme “une anomalie, un malade mental ou un monstre”. Alors que son attentat s’inscrit dans une longue histoire et qu’il est motivé par une idéologie.
Enfin, si Coates parlait de la vulnérabilité et de la peur constante dans laquelle vit un homme noir aux Etats-Unis, l’auteure du Cœur battant de nos mères (2017) interroge : qu’en est-il des femmes ? Citant Toni Morrison comme Jesmyn Ward, elle montre à quel point les femmes noires sont les doubles victimes, muettes et ignorées, des injustices raciales.
Je ne sais pas quoi faire des gentils Blancs (Autrement), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch, 120 p., 12 €
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