Ecrivain inclassable, Pierre Alféri va quérir le graal littéraire hors des sentiers battus dans son nouveau recueil d’essais, Brefs.
Où en est la poésie en France aujourd’hui ? C’est par cette question que Pierre Alféri commence son nouveau livre, Brefs. Si vous rougissez de ne pouvoir prononcer le nom d’un poète français contemporain, réjouissez-vous : ces textes sont pour vous.
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Enlevés, spirituels et parfois drôles, loin de toute exégèse savante, ils s’appuient sur des exemples précis, empruntant des chemins de traverse (digressions, ellipses, paraboles) pour mieux révéler ceux qui, selon l’auteur, réinventent notre langue.
Questions de flux, de mécanique, de lignes de fuite
On se souvient du bouleversement salvateur qu’avaient provoqué en 1994 Pierre Alféri et Olivier Cadiot avec leur Revue de littérature générale. Ce formidable laboratoire d’invention(s) littéraire(s) avait fait exploser les catégories éculées de l’époque – roman, récit, poésie – en se penchant sur des questions de flux, de mécanique, de lignes de fuite. Vingt ans après, le même Alféri dresse un nouvel état des lieux, en repartant de ces intempestifs qui s’aventurent encore sur “la voie étroite de la poésie”.
“Que cherchent ces écrivains qui, au risque de passer sous les radars médiatiques, n’empruntent pas l’autoroute du récit linéaire et du reportage romancé ?”, interroge, un brin provocateur, le poète-essayiste. Il identifie trois grandes tendances à l’œuvre dans le champ poétique français contemporain.
Sens large de poesis
La glossolalie, qui “traite la langue comme une matière corporelle, c’est-à-dire sexuelle, sanglante, excrémentielle, etc.” ; la performance, “autour des festivals de poésie sonore, de la poésie concrète, du mail-art, de la revue Doc(k)s” ; la reprise, qui revisite les “formes traditionnelles : prosodie, rhétorique poétique, lyrisme”.
Malgré quelques oublis flagrants (où sont Edouard Glissant, Frank Smith, Jean-Michel Espitallier, Anne-James Chaton, les poètes québécois ?), l’exercice est d’autant plus louable qu’il se risque à considérer la poésie au sens large de poesis, la création sous toutes ses formes.
Mosaïque singulière
Et c’est tout naturellement qu’il dérive vers les arts plastiques, la philosophie, le cinéma, la musique, en compagnie notamment de Sol LeWitt, Avital Ronell, Jacques Tati ou encore Prince.
Toujours déroutants, parfois confondants, souvent passionnants, ses textes dessinent une mosaïque singulière, un univers dont le fil conducteur pourrait être ce que l’auteur appelle “cette imagination technique, assez négligée – ou mal vue – en littérature”.
Brefs (P.O.L), 256 pages, 17 €
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