Geneviève Damas nous fait partager avec justesse les interrogations d’une ado qui fait un déni de grossesse.
Il y a peu, Juliette allait au lycée, traînait avec sa copine, s’occupait de sa petite sœur, se chamaillait avec son frère, supportait plus ou moins bien la séparation de ses parents. Une vie d’adolescente ordinaire qui a explosé le jour où un médecin a annoncé que Juliette était enceinte et qu’il était trop tard pour envisager un avortement : un déni de grossesse.
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C’est Juliette qui raconte, dans une longue lettre à ce futur enfant qu’elle ne parvient même pas à imaginer. Il n’est pas facile de transcrire avec justesse une voix adolescente. Geneviève Damas réussit l’exploit de nous faire entendre Juliette, ses doutes et son chagrin, dans une tonalité crédible sans tomber dans le piège du « parler jeune ».
Le livre, très dense, atteint contre toute attente quelque chose d’universel à travers la situation très particulière qu’il décrit.
Le garder ou le remettre aux services d’adoption
Dans sa confession, Juliette tente de démêler sa vie embrouillée. Elle parle de sa mère, arrivée toute jeune de Pologne, amoureuse de son futur père, de la grand-mère polonaise qu’elle allait voir durant les grandes vacances, de la séparation de ses parents. Elle raconte aussi l’apparition, au milieu des journées lycéennes interminables, d’un garçon australien venu passer une année en France.
Il la surnomme spontanément Bluebird, lui parle et lui parle, l’aime et un jour disparaît. Peu à peu Juliette prend conscience de la présence du bébé en elle, réfléchit à ce qu’il est. Elle sait qu’elle doit prendre une décision.
Le garder, même si elle ne l’a pas voulu, ou le remettre aux services d’adoption. Et la romancière parvient à transformer ce bébé si discret en personnage de roman, en quelques phrases tout simplement bouleversantes.
Un beau livre sur la sororité
A travers cette situation extrême, Damas montre qu’une grossesse est en elle-même déstabilisante, mais au-delà de la thématique de la maternité, elle décrit le processus d’un questionnement intime qui concerne tout le monde. Car n’importe quel.le homme ou femme dans une situation compliquée tentera de déchiffrer ce qui relève d’un héritage familial ou de sa propre responsabilité.
Enfin, Bluebird est un beau livre sur la sororité. L’auteure de Patricia met en place une chaîne de femmes qui vont faire corps avec Juliette. Grand-mère, voisine, médecin, psy, assistante sociale, elles sauront ne pas juger mais écouter et prendre soin d’une ado qui va devoir construire sa vie.
Bluebird (Gallimard), 160 p., 14,50 €
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