Dans une BD documentée et incarnée, les Français Wilfrid Lupano et Stéphane Fert racontent l’ouverture, au XIXe siècle, d’une école pour jeunes filles afro-américaines.
Aussi à l’aise dans une série humoristique comme Les Vieux Fourneaux que dans l’historique Communardes !, le scénariste Wilfrid Lupano aime dire qu’il construit ses histoires après avoir repéré des “nœuds d’humanité”.
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Ses recherches autour de l’Américain William Lloyd Garrison, créateur du journal pro-abolition The Liberator, lui ont fait croiser le nom de Prudence Crandall (1803-1890), l’institutrice qui a ouvert en 1833 à Canterbury, Connecticut, une des premières écoles destinées aux étudiantes afro-américaines. “L’occasion était trop belle de raconter une histoire incroyable, avec des femmes (et jeunes filles) immensément courageuses, que l’Histoire, comme souvent, a fini par invisibiliser”, explique le scénariste.
Le racisme, le féminisme, l’émancipation par l’instruction, mais cette BD brillante ne repose pas uniquement sur son engagement
Blanc autour, terminé au moment de la mort de Samuel Paty, revient ainsi sur l’initiative de Prudence Crandall, l’opposition violente qu’elle a rencontrée, mais aussi l’avancée qu’elle a suscitée. Mais, si elle touche à des sujets forts tels que le racisme, le féminisme, l’émancipation par l’instruction, cette BD brillante ne repose pas uniquement sur son engagement, comme si celui-ci lui servait de béquille.
Un conte moderne et cruel
Plutôt que de mettre en avant les dimensions militante et documentaire, le duo d’auteurs préfère que son récit soit incarné. Ce sont les personnages, souvent attachants et crédibles – Sarah, curieuse de comprendre le monde ; Maria, satisfaite de sa condition de femme à tout faire, etc. –, qui le font grandir de manière organique plutôt que démonstrative.
Le trait élastique de Stéphane Fert, son goût pour les caricatures cartoonesques et son travail sur les couleurs, douces et chaudes, apportent de la légèreté et de l’onirisme
L’histoire, documentée et complétée par une solide postface de la conservatrice du musée Prudence-Crandall, prend même les allures d’un conte moderne et cruel. Le trait élastique de Stéphane Fert, son goût pour les caricatures cartoonesques et son travail sur les couleurs, douces et chaudes, apportent de la légèreté et de l’onirisme.
Les touches d’humour, bienvenues, arrondissent cet épisode méconnu de la lutte pour les droits civiques. Les citations fréquentes des mémoires du pasteur Nat Turner, qui mena deux ans auparavant une sanglante insurrection d’esclaves, rendent plus complexe et complet notre regard sur cette époque pas si lointaine.
Blanc autour (Dargaud), 144 p., 19,99€
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