Enthousiasme ou stratégie, la rentrée littéraire s’est jouée aussi dans les journaux.
Jonathan Franzen ? L’Amérique. David Grossman ? Israël. Emmanuel Carrère ? La Russie. Eric Reinhardt ? Le libéralisme. Morgan Sportès ? La banlieue… Rarement on aura autant réduit les livres à un sujet et parlé aussi peu de l’écriture. Il semblerait qu’une leçon soit bien assimilée : tirer la littérature vers le sociétal intéresserait un plus grand nombre de lecteurs. Dommage. D’autant que le Sportès, par exemple, est écrit avec les pieds, mais pourquoi s’en embarrasser face à un sujet aussi sensationnel ?
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La rentrée littéraire pose des questions de stratégies journalistiques – réels reflets de l’appréciation des livres ? Pour le JDD, Marie-Laure Delorme demandait à huit journalistes (dont moi) leur « coup de coeur » de la rentrée. Presque tous, chefs de rubrique livres ou culture, avaient choisi de mettre Jonathan Franzen en avant dans leur numéro de rentrée littéraire. Aucun, pourtant, ne le mentionnera. Et Sollers de conclure dans son « Journal du mois » :
« Mais n’oublions pas les futurs indignés de la rentrée littéraire, centaines de romans sacrifiés (pas forcément publiables), réseaux de la critique sociologique, pression du marché, vedettes immédiatement proclamées, par exemple le dernier gros pavé naturaliste et illisible américain, dont le rôle est d’écraser toutes les dentelles françaises. Les colonisés sont résignés, ils savent qu’ils doivent s’incliner devant les millions d’exemplaires vendus des stars internationales. La littérature dans tout ça ? Je ne vois pas. »
Injuste avec Franzen, mais pas faux… Pourtant certains gagneraient à ne traiter que de littérature étrangère en cette rentrée, tel Frédéric Beigbeder qui sort un livre ces jours-ci mais continue de flinguer les écrivains français dans le Fig Mag. Moyen.
Nelly Kaprièlian
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