Plusieurs auteurs semblent punir ceux qui jouissent ou font jouir.
L’affaire DSK aura été terrible pour DSK mais, d’une façon cruelle, bénéfique pour les autres, posant enfin la question du pouvoir, du sexe et de la morale. Il faut préciser que le terme de « morale » ne doit pas être confondu avec « puritanisme », mais renvoyer à « empathie ». Car ce serait peut-être cela, la base de la morale : l’empathie que nous éprouvons pour l’autre, qui nous empêche de le traiter comme nous n’aimerions pas l’être.
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La vie privée étant un domaine échappant à la loi (heureusement !), il ne relève donc que de la morale personnelle. Plus de morale, plus d’empathie, et l’on aboutit, à l’extrême, à l’American Psycho de Bret Easton Ellis. Car les écrivains sont ceux qui captent le mieux l’esprit d’un temps.
Sur ce principe, que nous disent les romans qui sortent en ce moment ? Dans Freedom de Jonathan Franzen, Patty sombre dans la dépression parce qu’elle ne se permet pas de jouir de celui qu’elle désire – ce serait trahir son mari ; et la maîtresse du mari, désirante et jouissante, meurt bizarrement -, lui permettant de retrouver sa femme. Dans Le Système Victoria, la libérale – mais aussi libertaire, ce qui la rend sympathique – Victoria finit sacrifiée par l’auteur… parce qu’elle aura détourné le protagoniste de son mariage ? Quant au Rabaissement de Philip Roth (fin septembre), un vieil homme retrouve le plaisir grâce à une amante bien plus jeune… mais qui n’aime pas les hommes, ce qui le punira. Dans Les Revenants de Laura Kasischke, les garçons, parce qu’ils désirent les filles, finissent eux aussi assez mal.
Des exemples révélateurs d’un inconscient collectif ? Si la liberté sexuelle semble être acquise, peut-être n’est-elle pas si bien assumée… Au point que des romanciers éprouveraient le besoin d’éliminer le sujet qui fait jouir car menaçant un ordre social, qu’on l’appelle le mariage ou la norme.
Nelly Kaprièlian
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