L’odyssée désespérée d’un brillant intellectuel faisant le point sur sa vie, par l’hyperdoué David Mazzucchelli.
Après avoir fait ses armes sur Daredevil et Batman dans les années 1980, David Mazzucchelli s’est ouvert à des histoires plus personnelles et publie aujourd’hui un roman graphique extraordinaire, Asterios Polyp. Un architecte rigide et désagréable, dont aucun bâtiment n’a jamais été construit, vit seul depuis son divorce d’avec Hana, une gracieuse artiste lassée de son égoïsme. Le jour des 50 ans d’Asterios, la foudre frappe son immeuble, qui prend feu, et il en profite pour fuir son existence. Il trouve refuge en province, dans une accueillante famille middle class.
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Partant d’une idée simple, David Mazzucchelli crée un chef-d’oeuvre, somme d’intelligence et de complexité graphiques et narratives où rien n’est laissé au hasard. Du choix des couleurs à celui de la police d’écriture, propre à chaque personnage, en passant par le style, qui s’adapte aux émotions, l’écriture graphique, minimale, est en adéquation totale avec le propos.
Asterios passe d’un univers bien tracé, aux formes épurées (son appartement parfait aux fauteuils Wassily), tout en couleurs froides et lignes droites, à une vie où plus rien n’est planifié, où les gens parlent astrologie et voitures, où les sens prennent le pas sur l’intellect. Là, les courbes dominent, les couleurs deviennent chaudes. Cette réflexion sur la dualité du personnage se poursuit par la superposition de multiples pistes : le récit, où se côtoient un passé gaspillé que l’on regrette et une nouvelle vie moins corsetée ; le frère jumeau mort in utero, qu’Asterios envisage comme un autre lui-même ; les références à la Grèce ancienne, qui renvoient à l’opposition Apollon/Dionysos ; l’artistique, l’intellectuel et l’individualisme d’un côté, l’émotion, le sensuel et la vie en société de l’autre.
Mais toutes ces idées sont avant tout au service d’un récit merveilleusement mélancolique, l’odyssée d’un homme apprenant à s’accepter et à s’amender.
Asterios Polyp (Casterman), 344 pages, 29,95 €
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