En adaptant le roman homonyme d’Eric Faye, la dessinatrice française accomplit un miracle de sobriété.
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En 2008, le fait divers a créé un temps la sensation et rappelé que, parfois, la réalité dépasse la fiction : un Japonais avait découvert qu’une femme occupait de manière clandestine son appartement. A force de constater des disparitions suspectes d’aliments dans son réfrigérateur, l’homme avait installé une caméra de sécurité et surpris la squatteuse. Celle-ci, une sans-abri quinquagénaire, avait pris pour refuge un minuscule placard mural et adopté la conduite d’un fantôme.
La nouvelle avait frappé l’imagination de l’écrivain Eric Faye, qui en a tiré le roman primé Nagasaki. Une décennie plus tard, la dessinatrice Agnès Hostache renforce la fascination exercée par cette mystérieuse affaire en lui offrant un écrin graphique délicat. Pour réaliser son travail d’adaptation, elle a certainement pu mettre à profit son expérience passée en matière d’architecture d’intérieur comme son goût pour le Japon (où, il n’y a pas de coïncidence, elle a déjà été exposée).
Quelques grammes de douceur
Avec des formes géométriques simples et des couleurs sensibles, elle nous fait pénétrer en quelques pages dans le lieu du délit, l’appartement occupé par le personnage principal, météorologue dont la vie privée est proche du néant.
Par son approche minimale, lumineuse et zen, l’illustratrice excelle à mettre en scène les rituels invisibles du quotidien et séduit en saisissant décor, objets ou aliments sans envie tape-à-l’œil, comme si elle cherchait à s’effacer. Modeste et peu envahissant, son graphisme tout en retenue lui permet toutefois de dépeindre avec poésie la vie de bureau, les paysages de Nagasaki et les affres de la solitude moderne.
Avec le souci du fait main, Agnès Hostache habille de gouache et de sobriété cette histoire extraordinaire, traitée sans trouvailles spectaculaires mais en distillant beaucoup de tendresse et une légère mélancolie. Elle parvient à nous transmettre les sentiments de l’homme, d’abord choqué par cette intrusion aux allures de viol, puis éprouvant envers sa colocataire cachée des sentiments de plus en plus mêlés au fur et à mesure qu’il découvre sa trajectoire fracassée et les raisons de cette invasion.
Nagasaki (Le Lézard Noir), 200 p., 22 €
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