Traduite pour la première fois en français, la romancière britannique signe un court texte tranchant et sans “happy end”. À découvrir d’urgence.
C’est le roman d’une filiation impossible. Bridget, la narratrice, n’a pas vraiment de bons souvenirs d’enfance. Ses parents ont divorcé très tôt, son père était tyrannique et elle ne s’est jamais entendue avec sa mère. Devenue adulte, Bridget ne voit Helen qu’une fois par an, pas plus. Entre scènes du passé et conversations laconiques, c’est surtout de cette relation mère-fille difficile qu’il est question dans ce livre.
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Le conflit pour dialogue
De son écriture millimétrée, Gwendoline Riley crée une tension dans ses phrases, parvient à transcrire l’agacement, les silences furieux, les réparties cinglantes que la petite fille, l’adolescente, la jeune femme encaisse et apprend à renvoyer. Dans la construction même des dialogues et la description des rencontres entre Helen et Bridget, l’autrice laisse deviner la carapace que la fille s’est construite pour se protéger et parvenir à grandir.
Sa mère avait sans doute échafaudé la même. Mais, dans la volonté de Bridget de se tenir à distance d’Helen, refusant de l’inviter chez elle et de lui présenter son compagnon, Riley suggère aussi une part d’aliénation. Bridget cherche à faire payer à sa mère une dette, s’en aperçoit, mais jusqu’au bout, aucune des deux n’est capable de modifier leur mode de communication.
Une vie frustrée
Peu à peu, Riley reconstitue la vie qu’a eue Helen, et dresse à travers cette histoire le portrait d’une petite classe moyenne britannique, pas si misérable, mais abandonnée. Son roman décrit un comportement genré face à l’adversité, les hommes déversant leurs frustrations sur les femmes, lesquelles ont grandi avec un modèle de couple idéalisé qui se heurte à la réalité.
Helen a passé sa vie à attendre le prince charmant et a dû s’accommoder de compagnons décevants, qui pourtant la tenaient sous leur emprise. C’est un milieu social que Bridget a quitté pour devenir universitaire et londonienne.
Riley déjoue les codes habituels du roman, n’a pas prévu de réconciliation, de grandes phrases ou d’aveux poignants. Seulement la description subtile d’un rendez-vous manqué, celui d’une mère et d’une fille qui n’ont jamais pu se parler.
Mes fantômes, de Gwendoline Riley. Traduit de l’anglais par Olivier Deparis (Éditions de l’Olivier), 224 p., 22,50 €.
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