Chaque semaine, l’émission “Touche pas à mon poke”, diffusée sur Le Mouv’, interroge une personnalité sur son rapport au Web. L’auteur de “La Théorie de l’information”, l’écrivain Aurélien Bellanger a accepté de se plier à l’exercice. En exclusivité, ce dernier fan du Minitel (encore en vie) nous dévoile sa page Wikipedia préférée et parle des bouleversements introduits par le web sur l’écriture romanesque…
Quel est ton premier réflexe au réveil ?
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Aurélien Bellanger – Je consulte des sites d’information et j’ai tendance à consulter Twitter avant Facebook.
Tu tweetes assez peu…
Je tweete peu mais j’y suis depuis trois ou quatre ans. Je trouve que Twitter présente une façon économique de consommer de l’information. Je n’ai pas la télévision et je n’aime pas regarder des vidéos sur le net. Quand il y a une allocution présidentielle, je préfère en lire des extraits sur Twitter. Le live-tweet, c’est vraiment devenu vraiment ma came.
Tu désertes Facebook ?
Je n’aime pas le fait de ne pas maîtriser l’algorithme de publications sur Facebook. Twitter c’est chronologique. Sur Facebook, on ne comprend pas trop ce qui remonte, et pour quelles raisons. Par contre, je n’ai pas d’amis réels sur Twitter contrairement à Facebook. J’ai l’impression qu’il y vraiment un phénomène générationnel entre les différents réseaux sociaux. Twitter c’est vraiment les vieux institutionnels et les jeunes ados qui s’en emparent. Ma génération de trentenaires est restée assez inerte par rapport à cela.
Quels sont les sites qui t’ont inspiré lorsque tu as écrit La Théorie de l’information ?
Il y a une grande encyclopédie du jargon informatique sur le web. On y trouve 5 000 entrées et ce ne sont que des termes de programmeurs des années 80. Je ne les ai pas utilisés en tant que tels mais ça m’a permis d’accéder à une culture inconnue qui m’a grandement aidé. Sinon, c’est tout simplement Google.
Tu peux écrire sans Internet ?
Non, j’en suis quasiment incapable. J’ai absolument besoin de faire du fact-checking en permanence. Au final, 50 % de mon inspiration provient du hasard des recherches Google. Quand je travaille, j’ai vraiment accès à Google comme au troisième hémisphère de mon cerveau pour reprendre le slogan de l’un de ses fondateurs.
Quels sont les sites d’informations que tu consultes ?
J’ai un peu honte car au début, j’étais assez sérieux, j’allais surtout sur le site du Monde et les grands sites d’infos mainstream. Aujourd’hui je vais beaucoup sur le site du Huffington Post. Je déteste souvent ce que je lis, genre les « 15 raisons pour lesquelles vous aimez le gluten ou pas », mais ils ont une façon de formuler l’information de manière sexy qui fait que je continue à aller dessus. Depuis peu, j’ai découvert Buzzfeed ; je baisse progressivement mon niveau d’exigence (rires). La distinction entre information et divertissement est en train de disparaitre sur le web.
Si je te demandais ton dernier historique web ?
Récemment, je me suis documenté sur les amputations parce que le sujet est un peu effrayant. De fil en aiguille, j’ai lu des articles et j’ai découvert ma fiche Wikipedia préférée. Elle concerne les prothèses de la hanche. Lorsqu’on la lit, on voit tout un historique, les protocoles développés de façon concurrente par les Etats-Unis et l’Europe dans les années 80, le titane qui l’emporte sur telle autre substance, etc. Je n’écrirai peut-être pas un livre sur les prothèses de la hanche, mais ça m’a fasciné (rires).
Si je stalkais ton historique minitel, j’y trouverais quoi ?
Presque rien. Sur Minitel, je faisais de l’art ASCII sans le savoir, hors connexion, je tapais des lignes de lettres identiques. Mes parents avaient le modèle avec la fonction loupe : parfois j’agrandissais ces lettres. Niveau télématique, j’ai le niveau d’un enfant de CP.
Sur quel site aujourd’hui, peut-on retrouve la magie du minitel dont tu parlais dans ton livre comme un « océan de poésie consolatrice et de mots bienveillants, composés, comme des reflets de lune, en caractères d’argent » ?
Les forums, surtout depuis que les réseaux sociaux les ont presque entièrement vidés, et qu’on y trouve plus que de l’information fossilisées. Mais ça restera là, pour toujours – Google a même mémorisé tous les vieux fils usenet. Il n’existe pas un problème, technique, médical ou criminel, qui n’ait été abordé ici, et souvent résolu. C’est la mémoire de l’humanité. Ce que le Minitel n’est pas parvenu à être : tout a été effacé. Les forums fossiles resteront le fondement de notre civilisation électronique, comme le droit romain : rien de ce qui est humain ne leur est étranger.
Le web a changé l’écriture romanesque ?
Oui complètement. L’écriture est devenue du « cracking » d’informations. Ce qui ne veut pas dire pour autant que le roman est dévalué. Je trouve ça très bien d’opposer aux structures fluides du web la structure fermée du roman.
Le web offre-t-il de nouvelles perspectives pour l’écrivain ?
Je pense qu’aujourd’hui l’enjeu en tant qu’artiste ou producteur, c’est d’être vendu sur iTunes ou sur l’App Store. Soit, on est vendu sur iTunes et l’on est producteur de contenus, soit on est vendu sur l’App Store, ce qui montre que l’on est reconnu comme un logiciel, c’est-à-dire un metteur en scène de contenus. Mais le roman ne prétend pas seulement être du contenu, c’est aussi un logiciel. Quelque chose qui ne propose pas de cocher des cases préétablies mais de réécrire un monde. Je pense donc que l’objectif à terme pour les écrivains c’est d’être vendu dans l’App Store plutôt que sur iTunes..
Propos recueillis par David Doucet
Retrouvez la chronique audio de cette séquence de Touche pas à mon poke sur le site du Mouv’.
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