Avec une suite de saynètes improvisées, Sébastien Lumineau construit dans “Le Chien de la voisine »” un fascinant récit de voisinage, moins inoffensif qu’il n’y paraît.
De la première double page, il est quasi absent. On ne voit que ses méfaits : enfants en pleurs, couverts de boue et parfois même en sang, bouleversés comme s’ils avaient été victimes d’un ouragan. Nommé Fido, le coupable apparaît enfin, essoufflé, profitant d’un moment de tendresse avec sa maîtresse.
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Né dans les années 2000 dans les pages d’un fanzine rennais, Le Chien de la voisine n’a rien à voir avec les séries animalières classiques. Le décrire comme un Boule et Bill pour adultes tiendrait également de l’approximation tant, à la mécanique bien réglée des gags de Roba, Sébastien Lumineau oppose le délice de l’improvisation et du trait relâché.
Un petit chef-d’œuvre graphique
Si les courtes histoires qui se succèdent ici n’évitent pas l’humour, les ressorts de l’intrigue ne sont pas seulement comiques. L’irruption de Fido dans ce coin tranquille de banlieue sert de catalyseur, et ce qu’il déclenche dépasse le cadre des querelles de voisinage.
Délaissant sa compagne et son fils, un père de famille désœuvré et un peu paumé se met vite à être obsédé par Nelly Nowhere, celle à qui appartient la terreur à quatre pattes du quartier. L’usure du couple est soulignée par une séquence charnière : couché sur le canapé, le père feint le sommeil pour profiter de ses rêveries avant d’aller, en pleine nuit, examiner la boîte aux lettres de sa fascinante voisine.
Alors qu’on la croit promise à la routine, l’histoire surprend constamment et finit même par déraper
Chapitre après chapitre, l’histoire révèle ses strates, parfois fantaisistes (la cinéphilie du chien) ou douces-amères. Alors qu’on la croit promise à la routine, elle surprend constamment et finit même par déraper, d’où la deuxième partie du livre, courte comme un épilogue, Le Retour du chien de la voisine.
Styliste nerveux du noir et blanc, Lumineau a réalisé un petit chef-d’œuvre graphique, un modèle de narration qui, à partir de son point de départ en apparence banal, emprunte à plusieurs genres jusqu’à étourdir de sensations. Depuis, le dessinateur français est allé plus loin dans l’improvisation avec, l’année dernière, le désorientant Où, beaucoup plus expérimental.
Le Chien de la voisine et Le Retour du chien de la voisine de Sébastien Lumineau (L’Association), 120 p., 15 €
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