“Matrix” nous plonge dans un couvent médiéval du XIIe siècle, où la poétesse Marie de France intègre “une ruche” de femmes dévouées. La sororité comme lumineuse utopie.
Cinq ans après Les Furies, Lauren Groff continue de prouver qu’elle est l’une des voix américaines les plus originales du moment. Avec Matrix, elle nous entraîne au XIIe siècle, dans un couvent de nonnes en Angleterre, et réinvente la vie de la poétesse Marie de France qui y est envoyée par la reine Aliénor d’Aquitaine, dont elle est follement amoureuse.
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Fruit d’un viol, lesbienne, écrivaine, Marie s’inscrit dans une lignée de femmes d’action, de panache, de courage, aux antipodes de ce que l’amour courtois et la société leur imposaient d’être, “embrassant l’aventure et la grâce divine autant qu’elles le pouvaient tout au long de la croisade”. Et Marie ne comprend pas les dames de la cour qui n’aiment ni chevaucher ni se baigner nues dans des rivières. Dans le couvent, dont elle deviendra l’abbesse, elle découvre “une ruche où toutes ses bonnes abeilles travaillent ensemble dans l’humilité et la dévotion. C’est une vie magnifique.”
Elles mouraient de faim, Marie va redresser le couvent et les sauver
Ce qui aurait pu être le roman gothique de l’enfermement devient l’épopée lumineuse de la vie en communauté entre sœurs. Elles mouraient de faim, Marie va redresser le couvent et les sauver. Groff raconte une utopie, faite de solidarité, de dépassement de soi, d’ascèse, de mysticisme et d’écriture. La sienne est inventive, poétique, souvent onirique, pour mieux dérouler, sans aucun didactisme, un programme politique à rebours de nos vies enfermées, entre patriarcat et libéralisme.
Matrix de Lauren Groff (Éditions de l’Olivier), traduit de l’anglais (États‑Unis) par Carine Chichereau, 304 p., 23,50 €. En librairie le 6 janvier.
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