Ainsi redécouvert, préfacé ici par Philippe Lançon, le seul livre de l’auteur suisse n’a rien perdu de sa violence contre les valeurs bourgeoises.
“J’ai reçu une éducation bourgeoise et me suis montré sage toute ma vie.” Né en 1944 dans une richissime famille zurichoise, l’auteur de ces mots se découvre atteint, à 31 ans, d’un cancer de la gorge et rédige alors un texte furieux, dans lequel il éreinte le milieu conservateur où il a grandi.
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Il s’appelait Fritz Angst – “angoisse” en allemand – et a choisi le pseudonyme de Zorn, que l’on peut traduire par “colère”. Publié juste après sa mort, en 1977 en Allemagne puis en 1979 en France, son cri de rage sort aujourd’hui dans une nouvelle traduction, préfacé par Philippe Lançon.
Zorn y dénonce ce qui a étouffé sa vie : la bonne conscience, le quant-à-soi, l’injonction à tenir son rang, les valeurs bourgeoises. Il écrit : “J’ai été éduqué à mort.” Et dépeint avec une ironie acerbe un environnement où il est inconcevable d’exprimer le moindre sentiment ou d’imaginer la plus petite révolte. Selon lui, son cancer de la gorge est causé par toutes les larmes qu’il a dû ravaler.
Sa charge contre le conformisme, et finalement l’ordre social tout entier, reste étonnamment actuelle
Le signe d’une société qui va mal
Dès sa publication, cet essai autobiographique a eu un retentissement énorme, bien au-delà de la calme Confédération helvétique. Sa charge contre le conformisme, et finalement l’ordre social tout entier, reste étonnamment actuelle. Dans sa préface, Lançon souligne le souci de Zorn d’encourager une réflexion collective, sa dépression pouvant être considérée comme le signe d’une société qui va mal :
“Certains peuvent être choqués lorsqu’il écrit qu’il vit dans ‘un camp de concentration’ et paraît justifier, évoquant l’une des femmes de la bande à Baader, le terrorisme : on ne pose pas des bombes et on ne tue pas des gens par hasard. On le fait parce que quelque chose ne va pas en soi et autour de soi.”
Mars de Fritz Zorn (Gallimard), nouvellement traduit de l’allemand (Suisse) par Olivier Le Lay, préfacé par Philippe Lançon, 320 p., 22 €. En librairie le 13 avril.
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