L’été de deux mouflettes, filles d’un bétonneur compulsif, par une Oulipienne Anne F. Garréta. Un bagou jouissif.
Oubliez les roses et les choux. La Poulette et Fignole ont poussé dans l’béton. Formées au mortier dès le berceau. Les “ouikindes”, vacances et jours fériés à l’ombre de la bétonneuse, sur les chantiers maison du paternel. Une truelle pour hochet.
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Faut dire que le mortier, pour le père Oberkampf, c’est une vraie passion. Bricolo du dimanche, du lundi, du mardi et du reste, il est passé maître question gros œuvre. Expert ès récupe, il a pimpé la bétonnière avec un moteur de lave-linge.
A 2 000 tours/minute, l’engin tressaute, mais graillonne un crépi pimpant. Chez lui, c’est plutôt côté plomb que ça pêche. Capable de “s’électroputer” avec une pompe à eau : “On l’entend gueuler, Putain de pute ! Et pute merde !” Un maestro du court-jus !
De foirades démoniaques en courts-circuits, fallait bien que ça parte en toupie. Alors quand notre aficionado de la maçonnerie décide de faire balançoire avec un treuil antique et la lessiveuse à béton, on sent poindre la “cata monstre”.
D’la vraie pyrotechnie lexicale
Garréta est devenue, en 2000, le premier membre de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) né après la naissance du mouvement en 1960. Styliste de haut niveau et facétieuse tord-syntaxe, auréolée d’un prix Médicis en 2002 pour Pas un jour, elle prouve ici que rien n’est gravé dans le béton, surtout pas la langue de Molière, Céline ou Queneau.
Faut que ça vive, que ça jacte, que ça éructe ! Jouant des codes grammaticaux et s’affranchissant des autres, l’auteur bouscule le verbe, fait swinguer les phrases et exulter la phonétique. D’la vraie pyrotechnie lexicale.
Mais au-delà de l’exercice de style, le texte est aussi la chronique de l’âge tendre et foutraque de deux mouflettes gouailleuses et dégourdies. Des chantiers dominicaux jusqu’aux batailles de bousin entre marmots, c’est l’écho d’un monde, rural, enfantin et fantaisiste que fait entendre ce roman jouissif, quelque part entre La Guerre des boutons et Zazie dans le métro. Fortiche, comme dirait l’autre. L. B.
Dans l’béton (Grasset), 180 pages, 17 €, sortie le 5 octobre
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